Le défi insondable de Thomas Dermine...et des Carolos

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Le défi insondable de Thomas Dermine...et des Carolos

Thomas Dermine a présenté ses voeux aux carolos mardi soir. Il a aussi présenté le Projet de Ville de son équipe. Le nouveau bourgmestre est désormais devant un défi majeur: Faire enfin revivre Charleroi. Mais seul, il n'y arrivera pas.

Les voeux du bourgmestre de Charleroi "urbi et orbi" sont une tradition bien ancrée en bord de Sambre. C'est Paul Magnette qui avait lancé l'idée lorsqu'il est arrivé à l'Hôtel de Ville. Permettre à la fois aux Carolos, aux institutions, aux forces vives de se rassembler pour écouter le patron de la Ville, ça donne un peu des allures de grand-messe où les ouailles viennent écouter la bonne parole. 
Mardi soir, Thomas Dermine, mayeur frais émoulu, s'est donc, pour la première fois, plié à l'exercice devant plus de 1000 personnes au Palais des Beaux-Arts. Avec un certain talent, reconnaissons-le. Dans un style plus cool et sans doute plus proche des gens que Paul Magnette, Thomas Dermine en a donc aussi profité pour présenter le Projet de Ville élaboré par sa majorité PS-Engagés. Un projet dont la devise serait en substance: "Après avoir changé la Ville des Carolos, il est temps de changer leur vie". Traduisez: les 10 dernières années ont été consacrées à modifier considérablement le paysage urbain à la fois de la Ville Haute et de la Ville Basse, il est à présent temps de transformer l'essai et que foisonne l'activité dans ses nouveaux lieux de vie. Sachant par ailleurs que de nombreuses transformations urbanistiques sont encore à venir dans les 5 districts carolos: actuellement seuls 20% du territoire de Charleroi ont subi des transformations de fond.
Comme dirait Thomas Pesquet dont s'inspire beaucoup Dermine, autant dire que c'est un chantier aux dimensions cosmologiques qui attend le néo-mayeur carolo.
Car pour véritablement faire revivre la Cité et lui donner le rayonnement à la fois sur le territoire de Charleroi Métropole, mais également au niveau national, voire international, il faudra autre chose qu'une méthode Coué trop souvent utilisée. C'est très bien de se dire que le Pays de Charleroi est celui que l'on préfère, que les Carolos sont les gens les plus accueillants du monde, que la ville au sens large regorge d'atouts en matière économique, touristique, culturelle, que des milliers d'emplois ont été créés durant les 10 dernières années. Mais pour réellement valider toutes ces convictions, il faut aussi que Charleroi devienne crédible. Et que tous les vieux clichés que la ville porte encore comme un vieux boulet rouillé n'ont plus aucun sens.
 

L'affaire de tous

 
Pour cela, il faudra notamment améliorer considérablement le sentiment de sécurité pour les citoyens et les visiteurs. Non, Charleroi n'est pas plus dangereuse qu'une autre grande ville. Mais la perception d'insécurité reste trop présente. La raison? Un manque d'action sur le terrain, notamment en matière de lutte contre les incivilités et les dégradations, des petits travaux d'entretien, de réparations qui ne se font pas suffisamment rapidement, des trottoirs et des routes trop souvent défoncés, des vitrines vides et des cellules commerciales qui tardent à se remplir, une rue de la Montagne fantomatique alors qu'elle pourrait faire le lien entre Ville Haute et Ville Basse et redevenir un socle de dynamisme urbain.
 
Il faudra aussi, pour ramener du monde, retravailler en profondeur la mobilité en desserrant un peu l'étau sur le parking pour permettre plus facilement aux familles de revenir en centre-ville, tout en préservant l'environnement, en favorisant les modes de déplacement doux et en luttant au niveau de la Région Wallonne pour le développement de transports en commun, efficaces, crédibles et abordables et reposant sur un réseau structurant solide tels que les 2 BHNS, les fameuses lignes de bus à haut niveau de service, qui semblent pourtant avoir du plomb dans l'aile.
Cela dit, rendre sa fierté à Charleroi et concrétiser sa redynamisation, Thomas Dermine n'y arrivera pas seul. Car le changement dans cette ville, ce sont aussi les Carolos eux-mêmes qui doivent en être les premiers acteurs. Il serait trop facile de pleurer sur le lait répandu en estimant que les autorités ne font pas ce qu'il faut en matière d'entretien quand les citoyens eux-mêmes dégradent un environnement public.
Cette réflexion, en matière de responsabilité, vaut aussi pour les acteurs économiques de notre région. Dans une récente étude du B4C, le club d'affaires le plus en vue de Charleroi, de nombreux entrepreneurs donnent de la ville une image triste à pleurer et déprimante au possible, estimant, en gros et en caricaturant à peine, qu'il est difficile de faire du commerce dans un environnement, insécure, sale, peu attractif et où les autorités ne créent pas les conditions fiscales idéales pour le business. C'est ce qui s'appelle se tirer une balle dans le pied. Croire en sa région, s'y projeter, en sachant la critiquer mais en reconnaissant objectivement ses atouts, c'est la base si on veut avancer sur le chemin de l'épanouissement. Certains feraient bien de le comprendre.
Tout cela, Thomas Dermine le sait. Et il sait qu'il "n'aura pas facile tous les jours", comme on dit chez nous. Les écueils seront nombreux. Mais son discours est volontariste. S'il arrive à rassembler autour de lui toutes les forces vives et les Carolos dans leur grande majorité, le challenge sera réussi, fût-il gargantuesque. 
Mais pour cela, il devra aussi jongler avec des contraintes budgétaires énormes. Et la réussite de son projet tiendra également à la latitude que lui laissera le gouvernement wallon. Et ça ce sera une autre paire de manche... 
         
 

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