Les agriculteurs européens sont verts... de rage. Exsangues à cause du cahier de charge du Green Deal alors que les exigences envers les marchés étrangers sont beaucoup moins contraignantes, ils ne sont plus concurrentiels. Ou quand transition et ultralibéralisme deviennent antinomiques...
Le Green Deal ou Pacte vert européen a été négocié il y a 4 ans au niveau de l'Union. Son but: permettre à l'Europe d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.
Les agriculteurs sont aux premières loges des exigences concoctées par Bruxelles. On leur demande notamment de participer à des programmes environnementaux exigeants, de laisser une partie de leurs terres pour de l'agroécologie (haies, bosquets, mares, etc.) et ce, pour favoriser la protection de la biodiversité. Cela implique une réorganisation et des investissements.
Pour ce faire, des aides sont prévues. Mais elles tardent. Notamment parce que certains contrôles, sur le terrain, sont particulièrement pointilleux. Et en attendant, les agriculteurs sont censés injecter de l'argent et remplir leur part du contrat. Paperasserie, manque de moyens: le Green Deal, louable dans sa composante environnementale, risque de faire exploser le monde agricole.
C'est ce manque d'accompagnement et d'aide pour la réalisation du grand et nécessaire mouvement transitionnel que les gens de la terre manifestent aujourd'hui un peu partout en Europe.
Mais leur colère ne s'arrête pas là et ne borne pas à des tracas organisationnels. Le mal est plus profond. Et vient du fait que le comportement de l'Union européenne est purement schizophrénique et incohérent: d'un côté, elle demande à nos agriculteurs de respecter des normes environnementales sévères et de l'autre, elle négocie des traités de libre échange avec d'autres grandes régions du monde en accueillant à bras ouverts leurs produits, notamment agricoles, qui ne respectent pas les mêmes standards exigeants sur le plan environnemental, sans parler des normes sociales, elles aussi parfois aléatoires.
Dernier exemple en date, les mamours entre l'Union et le Mercosur, le marché commun d'Amérique du Sud.
C'est là tout le hiatus actuel, entre la volonté d'assurer une transition écologique et celle d'alimenter l'ultralibéralisme par des décisions totalement antinomiques, là où on devrait protéger notre économie, et singulièrement nos agriculteurs, si pas en agissant par protectionnisme, à tout le moins en ne créant pas une distorsion de concurrence.
Réclamer de nos agriculteurs qu'ils soient plus verts, c'est bien. Mais il faut les aider et les accompagner, comme on le fait dans l'industrie. Et pas en rendant pas leurs produits invendables en acceptant l'envahissement d'autres produits moins chers, moins verts et moins équitables.
A l'époque, Paul Magnette avait joué sa Jeanne d'Arc au niveau wallon en faisant de la résistance face au CETA. Qui aujourd'hui au niveau européen pourra promettre à nos exploitants que transition écologique ne sera pas synonyme d'enterrement de première classe pour notre agriculture?