Pour injustes qu'elles puissent paraître à certains élus, les règles du scrutin proportionnel restent de mise et doivent être appliquées. Tout comme la séparation des pouvoirs...
Au lendemain des élections communales, à Tournai, à Rochefort et en bien d'autres endroits de Wallonie, on entend une petite musique, une ritournelle qui parfois se transforme en vocifération et qui dit : "C'est un déni de démocratie".
Expression très en vogue utilisée par celles et ceux qui, arrivés premiers dans les chiffres mais sans majorité absolue, fustigent les coalitions de "perdants" qui s'allient pour renvoyer le "gagnant" dans l'opposition.
Ah ce fameux signal du citoyen qu'il faudrait à tout prix respecter...mais avec un respect à géométrie variable en fonction des circonstances ou des marrons qu'on peut tirer du feu électoral.
Mais ceux qui crient au "déni de démocratie" ont-il oublié que nous vivions dans un système électoral proportionnel et non majoritaire? Chez nous, les bouliers compteurs priment sur tout: peuvent faire une majorité ceux qui, ensemble ou pas, rassemblent plus de 50% des suffrages. Parler de scandale ou d'irrespect du citoyen lorsque celui qui a viré en tête ne franchit finalement pas la ligne parce que les autres se sont alliés n'est donc rien d'autre...qu'un déni de démocratie.
On peut comprendre que les faiseurs de voix et les leaders du scrutin qui se retrouvent sur le carreau l'aient très mauvaise et que la digestion soit compliquée. On peut imaginer parfois même qu'ils ressentent leur mise à l'écart comme un coup de poignard dans le dos voire une injustice. Mais dans les faits, il ne s'agit rien d'autre qu'un respect strict du processus démocratique qu'il convient d'accepter en mordant sur sa chique. Taper ses bras en l'air et lancer l'opprobre publique sur les adversaires en criant urbi et orbi que l'électeur n'a pas été entendu et que la démocratie n'est pas respectée n'est pas correct et confine même au populisme de bas étage. Qui, dans certains cas extrêmes, peut mener à des dérapages sévères. On l'a vu lors de l'assaut du Capitole en 2020. Et à moindre échelle à Rochefort dimanche, où les "vainqueurs" ont agressé verbalement et semble-t-il physiquement, la coalition des "perdants".
On n'élit pas les échevins
Notez bien que l'expression "déni de démocratie" qui a décidément le vent en poupe, peut également s'employer pour défendre son égo lorsqu'il s'agit de se placer en ordre utile pour devenir échevin. Ainsi, les champions des voix de préférence ne comprennent que rarement qu'on les évince d'un collège communal alors que leur score électoral, là encore, est un "signal de l'électeur".
Mais là encore aussi, on oublie trop régulièrement qu'en Belgique, il existe un petit truc anodin qui s'appelle la séparation des pouvoirs: lorsqu'on vote, c'est pour élire un organe législatif, en l'occurence le conseil communal, et non l'exécutif, à savoir le collège. A l'exception notable bien sûr en Wallonie du Bourgmestre dont la nomination via les voix de préférence dans la liste la plus forte de la majorité est clairement définie dans le Code de la Démocratie Locale. En clair, ce qui doit compter au moment de désigner les échevins et les échevines, ce sont les compétences et non les voix. Point barre.
Dura lex sed lex. Et quand les hommes et les femmes politiques sont les premiers à s'asseoir sur ce principe de base de la démocratie, c'est à ce moment précis qu'on commence à la saper. Et elle n'a certainement pas besoin de ça en ce moment...