C'est une phrase attribuée au philosophe Emmanuel Kant: "Le pouvoir corrompt la raison".
Une sentence que doit se répéter à l'envi le président du CPAS d'Ham-sur-Heure/Nalinnes, le MR Adrien Dolimont. Le jeune homme, étoile montante libérale, devait, théoriquement reprendre en janvier prochain, la place de bourgmestre de sa commune tenue d'une main de fer depuis 20 ans par son coreligionnaire réformateur Yves Binon. Il s'agit d'un accord passé entre les deux cadors locaux lors des élections de 2018, où Yves Binon avait fait de ses pieds et de ses mains pour obtenir la tête de liste alors que la section locale du MR avait désigné Dolimont. Le compromis: Binon ferait 4 ans comme mayeur, Dolimont achèverait la législature.
Seulement voilà, aujourd'hui, Yves Binon mange sa parole. Et annonce qu'il ira au bout de son mandat. Une gifle directe à son cadet. Mais aussi un beau bras d'honneur à son parti. Car à l'époque, en 2018, le MR et notamment Denis Ducarme, s'étaient investis pour éviter le clash local.
Un MR qui va devoir se positionner clairement et rapidement. Car si Yves Binon refuse de respecter l'accord et que les réformateurs laissent passer, leur crédibilité, surtout au plan local, sera méchamment entamée en donnant l'impression qu'un seul homme peut, à lui seul, défier tout un appareil en toute impunité pour des raisons purement personnelles.
Autant dire qu'en coulisses donc, ça s'active pour tenter de faire plier celui que d'aucuns en interne aujourd'hui n'hésitent plus à qualifier de despote pour un employer un euphémisme. Il se dit même que s'il refusait, son parti pourrait l'exclure. Sauf qu'au regard du Code de la Démocratie Locale, un membre exclu d'un parti n'est en rien obligé de rendre son mandat. La jurisprudence en la matière le confirme d'ailleurs.
En clair, son éviction ne serait qu'une condamnation morale mais ne résoudrait en rien la situation. Et, à vrai dire, elle pourrait même l'aggraver. Car si Binon reste et siège comme bourgmestre indépendant, la guerre avec son collège sera totale. Et les blocages inévitables. Ham-sur-heure/Nalinnes risquerait alors de se retrouver dans une situation similaire à celle de la commune d'Anderlues où les querelles politiques intestines gangrènent la vie politique et administrative. A deux ans des élections, bonjour l'angoisse..
Il ne reste donc que deux possibilités si le MR veut éviter la grosse casse dans une commune où il règne en maître depuis des décennies: soit les talents de démineur et de conviction de Denis Ducarme font des miracles et Yves Binon revient à la raison en respectant l'accord politique qui ferait de Adrien Dolimont le nouveau mayeur dès décembre 2022, soit une motion de défiance individuelle à l'encontre de Binon peut être introduite. Dans ce cas, si le conseil communal le décide, le bourgmestre actuel sera démis de ses fonctions. Mais là encore, en tout état de cause, il s'agira d'un crève-coeur pour le MR local au sein duquel Binon a encore pas mal de partisans. Un très mauvais signe à nouveau à deux ans de l'échéance électorale.
Bref, si Yves Binon s'entête, il pourrait rapidement devenir le cauchemar libéral local après en avoir été le rêve aussi absolu que son pouvoir visiblement kantien depuis 20 ans...
Martial DUMONT