Bonjour chers lecteurs,
La formule de politesse s’est imposée à moi, dès que j’ai eu l’idée d’écrire ce billet d’humeur. Une humeur plutôt déstabilisée je dois bien l’avouer. Lorsque je me suis dit, je vais écrire sur le harcèlement, la première question qui s’est imposée à moi est : Quelle est ma légitimité ? Ensuite, comment aborder un sujet sur lequel la littérature est déjà tellement prolifique ? Et après avoir répondu à ces deux questions je me lance.
La mort d’une jeune fille ou d’un jeune ado quelque soit son âge, son vécu est insupportable, incompréhensible. Dans un premier temps, on se dit : « comment peuvent-ils choisir la mort face aux insultes ? ». Et puis la réalité s’impose, ma réalité, leur réalité. La dévalorisation, les remarques insidieuses qui ne sont comprises ou « interprétées » que par la personne harcelée, le rejet du groupe, le dénigrement.
Et même s’il s’agit d’un épisode de ma vie aujourd’hui révolu, on n’oublie jamais vraiment.
Pour tenter de comprendre ce qui m’arrivait, à l'époque, j’ai beaucoup lu, beaucoup visionné, beaucoup écouté. Et puis il faut se rendre à l’évidence, il n’y avait rien à comprendre. Ce n’était pas de ma faute ! Pourtant, le terreau était fertile, la victime était prête et mon harceleur n’a eu qu’à faire ce qu’il avait dans ses gènes : appuyer sur le bouton « manque d’estime de soi ».
Le harcèlement est en fait, vieux comme le monde. Le terme vient de la herse de l’agriculteur qui servait à enlever tout ce qui dépasse. En Grèce ancienne, chaque année, les citoyens d’Athènes devaient également désigner leur « ostrakon » (la personne à ostraciser). Un individu que l’on bannissait alors de la cité. « De cette petite excursion étymologique, il ressort que le terme de harcèlement relève d’un registre très violent de guerre, de souffrance et d’égalisation »*
Harceler à petite dose, nécessite aussi la complicité du groupe. Et les réseaux sociaux sont l’expression exponentielle du groupe, l’univers de la surenchère. La littérature à ce sujet est même très claire : « si l’on harcèle, c’est que dans un système groupage donné, c’est permis voire encouragé au nom de la cohésion du groupe » autrement dit on casse les maillons faibles ! (Je n’ai jamais supporté l’émission du même nom, allez savoir pourquoi !)
Si je n’avais qu’un seul message à faire passer à tous ces enfants, ces ados qui se font harceler sur les réseaux ou dans les cours de récré c’est celui-ci : Soyez convaincu de votre valeur. Sachez que si votre harceleur vous veut du mal, c’est parce que vous valez bien mieux que lui. Vous êtes probablement une personne intègre, intelligente, gentille, à l’écoute, disponible, pleine de vitalité et d’humour et j’en passe….
Chers parents, sachez rappeler toutes ces qualités à vos enfants ou leur dire simplement à quel point vous les aimez pour ce qu’ils sont. Chers éducateurs, sachez valoriser la différence et tenir compte de l’intelligence émotionnelle des enfants. Tout le monde n’est pas un génie mais tout le monde a un coeur.
Je ne m’adresserai pas aux réseaux sociaux car à moins que je ne vive sur Mars, ou que je sois sourde, ou aveugle, je n’ai jamais entendu dans aucun cas de harcèlement sur les réseaux, la moindre déclaration, du moindre responsable de cette boite à insultes qu’ils peuvent parfois devenir. Mais paradoxe de notre société ce sont ces mêmes réseaux qui nous permettent de nous exprimer.
Je ne peux pas me mettre à la place de ces enfants, mais j’ai rencontré nombre de parents dévastés, j’ai été informée et j'ai informé à de nombreuses reprises aussi par mon métier sur le sujet, et surtout je l’ai vécu dans la vraie vie et il m’a conduit au burn out ! Mais j’ai appris une chose de cette expérience:
« le harceleur fait tout pour que son intention aboutisse. De là à dire qu’il a la volonté de nuire… il dira (et croira) quant à lui que son agression est justifiée et qu’elle est presque assimilable à de la légitime défense. Ils sont dans l’incapacité de se représenter le vécu affectif et la portée de leur comportement »*.
Et lorsque j’ai compris ça, j’ai pardonné ! Le malade ce n’était pas moi, la plus à plaindre ce n’était pas moi.
Face au suicide, face à la mort, on ne peut plus rien faire que se taire. Mais face à ceux qui souffrent, on peut encore hurler, prévenir, avertir. L’ensemble de la société est responsable.
Car, et ce n’est pas moi qui le dit, « Une société démocratique qui tolère le harcèlement moral ne tolère en réalité qu’un résidu de fonctionnement archaïque de groupe, très prisé dans les sociétés totalitaires. »*
*Le harcèlement moral, 2ème édition. Ariane Bilheran aux éditions Armand colin