Mettez une femme à la tête de la batterie des Zouaves de la St Feuillen et c'est le scandale en boîte de douze. Jouez un air de Gilles pour célébrer un mariage avant la Sainte Cécile, et les traditionnalistes rigoristes vous feront bouffer des oranges entières à vous en étouffer.
C'est comme ça chez nous en Wallonie. Les traditions, ce sont les traditions et on ne peut y déroger. Sinon, on va où hein, je vous le demande...
Pourtant, si vous discutez avec d'éminents spécialistes du patrimoine immatériel de l'humanité, tous vous diront qu'une tradition ne peut se perpétuer et rester vivace que si elle vit avec son temps, si elle évolue. Une tradition qui refuse de bouger n'est vouée qu'à une chose: disparaître.
Alors oui, bien sûr, le core business, la colonne vertébrale, la structure structurante des traditions doivent évidemment être préservées et chéries par ceux qui les défendent et entendent la faire passer de génération en génération.
Mais les tenir au chaud dans une chasse qu'on refuse d'ouvrir à la modernité ou sous pression dans un panier en osier dont on refuse qu'elles sortent pour prendre un peu l'air, c'est les condamner.
Et pour éviter la peine capitale et que les traditions se diluent dans les limbes du temps, il est une urgence: que les jeunes générations s'en emparent pour les activer, les dynamiser sans les dynamiter, les électriser sans les électrocuter, les dépoussiérer sans les déchirer.
Et pour tout ça, il faudrait avant tout que leurs dépositaires aient la sagesse de ne plus se recroqueviller sur eux-mêmes et comprennent que les traditions, c'est l'affaire de tous, quels que soient l'âge, le sexe ou les croyances. Et que faire évoluer une tradition n'est pas la trahir.