Ainsi donc les chauffeurs du TEC Charleroi ont décidé, comme ça, à la fraîche, de prolonger la grève multisectorielle de vendredi pour réclamer plus de pouvoir d'achat.
Tout le week-end, et sans mot d'ordre syndical, les transports en commun ont été perturbés. Idem ce lundi. Et le mouvement d'humeur (et non d'humour comme le suggérait très maladroitement un tract des grévistes) risque de se prolonger tout au long de cette semaine.
Soyons clairs, tant chez les navetteurs que chez les observateurs, cette grève laisse pantois et, au-delà de la frustration des usagers, engendre une incompréhension totale qui décrédibilise le juste combat social de base.
Oui, le droit de grève est fondamental. Il est dans le monde du travail, l'un des biens les plus précieux acquis de haute lutte par les représentants des travailleurs depuis plus de 100 ans. Il permet un rééquilibrage quand c'est nécessaire, d'éviter les abus et d'obtenir des droits capitaux pour le bien-être de tous. Les grandes grèves de l'Histoire ont toujours permis des avancées sociales majeures.
Mais il faut aussi oser le dire: la grève, lorsqu'on l'utilise comme arme inadaptée et de manière totalement aveugle et disproportionnée, est aussi un problème social. Et ce que font cette semaine les chauffeurs du TEC Charleroi est clairement inepte. Car à défaut de sens, la grève nuit au droit de grève.
Faire grève de manière sauvage sans qu'il n'y ait de réelle motivation est totalement contre-productif. Agir de la sorte sans que personne ne comprenne réellement ce qui se passe, c'est scier la branche démocratique sur laquelle nous sommes tous assis.
A force de débrayer pour tout et n'importe quoi en permanence, on finira, hélas, par ne plus écouter à l'avenir ceux qui font grève pour réellement défendre une cause sociale pertinente.
Alors bien sûr que se battre contre la perte du pouvoir d'achat, lutter pour que les différents gouvernements de ce pays prennent enfin des décisions qui limitent les hausses insupportables des prix de l'énergie, c'est, de facto, une cause pertinente. La grève de vendredi dernier avait probablement tout son sens, d'ailleurs. Toute comme celle, mahousse celle-là, annoncée pour le 9 novembre prochain.
Mais le mouvement anarchique de ce week-end qui a perturbé le trafic est, lui, insensé.
Il serait peut-être temps que certains comprennent qu'à force de tirer sur la corde du service public pour un oui ou un non, à force d'abuser d'un droit en faisant fi de ses devoirs, le droit de grève, jusqu'ici fort heureusement inaliénable, risque un jour ou l'autre d'être remis en cause. Ce serait une catastrophe démocratique et sociale.
Est-ce vraiment ça qu'on veut?
Martial Dumont