41% du total des morts dues au Covid 19, sont survenues dans des Maisons de Repos ou des MRS. Et cette proportion est en constante augmentation! Certaines personnes ont décidé de rompre le silence. Car des pratiques posent question même si l’on doit se garder de faire des généralités. Témoignage
Elle a décidé de ne plus se taire ! Elle, on l’appellera Jessica, le prénom qu’elle s’est choisie pour nous parler car elle craint des représailles.
Jessica est infirmière depuis 35 ans dans des Maisons de Repos et de Soins. Et là, Jessica n’en peut plus : elle a besoin de raconter ce qu’elle vit et ce qu’elle voit depuis plus d’un mois.
«Je ne sais pas comment cela se passe dans les institutions dépendant du CPAS etc. Moi, je travaille dans une MRS de la région de Charleroi qui dépend d’un grand groupe privé. Je ne vous dirai pas lequel mais la situation est pour ainsi dire la même que ce soit chez Orpea, Acis, SLG ou Armonea, là où c’est la rentabilité qui l’emporte. Nous sommes les sacrifiés du Covid 19. Que ce soit le personnel ou les résidents »
Du personnel en sous-effectif
« Nous sommes généralement 2 infirmières à devoir nous occuper de 90 à 100 pensionnaires, des personnes souffrant de démence, légère ou plus sévère. Et ce chiffre se réduit à 1 le week-end. Les aides -soignantes, elles sont 6 ou 7 . Déjà en temps normal, c’est tout juste mais ici avec l’épidémie de Covid -19 c’est devenu invivable »
« Dès avant la mi-mars, les résidents ont été confinés dans leur chambres ! Pas question pour eux de sortir afin de s’aérer un peu. C’était pour leur bien nous disait-on mais par contre, des soignants qui présentaient des symptômes du virus ont été obligés de continuer à travailler. Or nous n’avions pas de masques (on était en pleine pénurie). C’est terrible car on se dit que le Covid-19, c’est le personnel qui le leur a sans doute transmis. De façon générale, nous n’avons pas été bien informés et c’était encore plus le cas pour le personnel d’entretien».
Près de 20 décès en 1 mois
Dans son institution, nous dit Jessica, 1/5 de la population est décédée depuis la mi-mars, et le rythme des décès s’est accéléré depuis une quinzaine de jours.
" Non, nous n’avons pas la preuve qu’ils sont tous décédés du coronavirus mais c’est énorme de toute façon. Et je pense que cela a été très mal géré car des résidents suspectés d’être Covid-19 ont continué et continuent à séjourner dans des chambres à deux lits. Comment voulez-vous qu’il ne contamine pas l’autre ?"
Aujourd’hui les membres du personnel sont à bout. Certes les masques sont arrivés début avril, les visières de protection aussi mais aujourd’hui, un tiers des soignants est malade. Il n’est donc pas rare qu’une infirmière se retrouve seule à devoir prendre en charge près d’une centaine de patients
« Et la grève des bus vendredi passé n’a pas arrangé les choses, des aides-soignantes n’ont pas pu venir travailler ».
La peur au ventre
Jessica, elle garde le moral mais certaines de ses collègues ont peur, peur de ramener le virus à la maison, à leurs conjoints, à leurs enfants ou à leurs parents !
« Et puis on doit vite faire notre travail (prendre la température ainsi que les différents paramètres), on n’a plus le temps de s’occuper des patients qui n’ont déjà plus de visites. Cloitrés dans leur chambre, certains qui avaient déjà des difficultés pour se déplacer, sont aujourd’hui incapables de marcher. »
Ces derniers temps ont été très durs :les patients atteints de Covid -19 ont besoin d’un apport en oxygène, or la société qui en fournit aux MRS de Charleroi, s’est trouvée en rupture de stock.
« Voir les gens se dégrader et puis mourir ainsi, seuls sans que leur famille puisse venir leur dire au revoir, je n’imaginais jamais vivre cela. Cet isolement ! Et le pire, c’est que je me dis que nous allons y être encore confrontés pendant plusieurs semaines."
Alors Jessica s’arrête de parler, la gorge nouée.
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