Vous savez parfois en ville, en se baladant, un air de Joe Dassin nous vient en tête, « je m’baladais sur l’avenue, le coeur ouvert à l’inconnu », c’était un peu mon état d’esprit un jour de janvier ensoleillé. Et puis, le choc ! J’étais au beau milieu de la rue de la montagne, pas dans l’inconnu donc, mais la tête en l’air devant la fresque Art nouveau du numéro 38, avec juste l’envie de crier.
Au début du siècle dernier, cette artère était pourtant l’une des plus belles rue de Charleroi, une rue vivante et commerçante. Mais depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et la Sambre a même quitté son lit.
Pourtant, elle est courageuse cette rue de la montagne, elle a longtemps résisté. Il y a quelques années, certaines grandes enseignes animaient encore les lieux. Et puis l’ogre anversois s’est abattu sur la ville et elle a capitulé devant le géant Rive Gauche. De nombreuses marques sont descendues quelques mètres plus bas pour être au coeur de l’évènement.
Et ce n’est pas fini, les nouvelles constructions et les travaux de rénovation qui se concentrent sur le haut et le bas de la ville, coupent encore un peu plus notre métropole en deux. Mais comme Rome ne s’est pas faite en un jour, Charleroi l’éternel Phoenix ne renaîtra pas de ses cendres en deux coups de pelles mécaniques.
Charleroi en re-construction depuis plus de 20 ans est une sorte de balancier dont l’axe central est cette fameuse côte pavée que d’aucuns, à une certaine époque, disaient avoir bien du mal à escalader.
Désormais, scotchée aux mains d’un propriétaire foncier italien peu intéressé par le redéploiement de la ville, la rue de la montagne reste l’épine dans le talon des autorités communales. L’asbl de gestion de centre ville a bien tenté d’y installer l’un ou l’autre pop-up store ou d’y attirer des sociétés. Adrena spécialiste de la formation au pilotage de drônes, devait investir l’ancien H&M. Mais vu le vide ambiant, l’oiseau s’est envolé.
Fantomatique, désolant, ce sont les qualificatifs qui animent les commentaires des carolos.
« Avant c’était plus animé mais les magasins sont tous fermés, ils sont tous allés à Rive Gauche »
« Charleroi c’est ma ville, mais c’est mort. Ce que l’on veut c’est être à l’intérieur (de Rive Gauche) par tous les temps »
Et chaque fois, que notre attention est attirée par l’un ou l’autre projet ville basse, il fait mouche. Sur internet ou les réseaux sociaux, les carolos se lâchent.
« Quand je pense au passé, on pouvait descendre du Marsupilami jusque la gare, ce n’était que commerces ! Avenue de Waterloo, rue Neuve, rue de la Montagne, rue du collège.... aujourd’hui, plus rien. »
« Je suis de Charleroi, j'aimais ma ville même avec sa réputation. (…), rue de la Montagne déserte, ville morte. »
Et si l’aménagement de la ville basse, a impacté les commerces, que dire de l’architecture et de cette magnifique façade du numéro 38. Un Sgraffite attribué à Paul Cauchie qui se dégrade d’années en années. C’est tout un patrimoine qui semble abandonné par sa propre ville.
La prochaine fois que vous monterez ou descendrez la rue de la Montagne, faites vous donc plaisir, levez le nez sur les façades Art Nouveau. Tant qu’il est encore temps…