"En cette Saint Valentin, pour que la fête des amoureux soit belle pour toutes et tous, je rappelle que le consentement est une condition nécessaire à l’envoi d’images à caractère sexuel. Chacun est bien entendu libre d’envoyer les images qu’il ou elle souhaite à son partenaire, s’il a atteint la majorité sexuelle, mais l’envoi de “dick pics” sans consentement préalable, comme c’est trop souvent le cas, sera assimilée à du harcèlement dans le nouveau Code pénal" explique Sarah Schlitz.
La semaine dernière, la Secrétaire d’Etat faisait part des résultats interpellants d’une étude qu’elle a commandée sur l’envoi et la possession d’images à caractère sexuel chez les 15-25 ans : 37 % des jeunes ont déjà reçu une “dick pic”. Ce pourcentage est nettement plus élevé chez les filles. Plus de la moitié, 51 % d’entre elles, a déclaré avoir déjà reçu une “dick pic” (contre 23% des garçons). 62% d’entre elles sans y avoir consenti.
Avec la numérisation de la société, il est naturel que certains jeux de séduction se développent en ligne. Jusque là, rien de mal à ça. Ce qui pose problème, c’est que ces nouveaux champs sociétaux engendrent de nouveaux abus et nouvelles violences misogynes. Il est nécessaire que la loi puisse encadrer strictement ces phénomènes nouveaux.
En Flandre, l’histoire de Lotte Vanwezemael a marqué les esprits. Cette sexologue renommée est une habituée du paysage médiatique du nord du pays. Elle a témoigné à plusieurs reprises du fait qu’elle avait reçu de nombreuses dick pics sans y avoir consenti. Elle a déposé plainte contre une cinquantaine d’hommes l'année dernière. Ces plaintes ont toutes été classées sans suite parce que le droit pénal actuel ne prévoit pas ce genre de cas de figure.
Cette situation va bientôt changer. Désormais, le harcèlement “hors ligne” et le cyberharcèlement auront la même interprétation juridique et le harcèlement en ligne rejoindra l’infraction du harcèlement “hors ligne” dans le Code pénal, ces deux phénomènes s’alimentant souvent l’un l’autre. Cette infraction consistera à, délibérément, perturber la tranquillité d'une personne, même s’il s’agit d’une seule fois ou que cela résulte d’un seul acte, alors que l’auteur du harcèlement savait ou aurait dû savoir qu’il affecterait gravement par ce comportement la tranquillité de la personne visée. Par exemple, lorsqu'un “raid” de personnes harcèle une seule et même victime, chacun peut-être jugé coupable, même avec un seul message envoyé.
L’envoi de dick pics non désiré entrera donc dans cette définition et deviendra une infraction.
La Secrétaire d’Etat tient enfin à rappeler que les faits de revenge porn sont d’ores et déjà punissables. Ils consistent à diffuser des images de nus ou à caractère sexuel sans l’autorisation de la personne qui apparaît sur ces images. Peu importe que la personne représentée ait donné l’autorisation de créer ces images ou qu’elle les ait créées elle-même (deep fakes). Bien que le terme revenge porn soit le mot le plus employé pour décrire cette réalité, il ne s’agit pas toujours de “revanche” de la part de l’auteur, d’autant que cela sous-entendrait que la victime a en quelque sorte “mérité” la diffusion d’images intimes la représentant. La Youtubeuse américaine QTCinderella en était encore récemment victime de deep fake porn.
"Le phénomène de la violence sexuelle en ligne est encore insuffisamment compris et pas pris au sérieux. Les auteurs de violences sexuelles en ligne ont souvent tendance à culpabiliser la victime. Les femmes victimes sont invitées à ne plus aller sur Internet. Mais les réseaux sociaux et Internet sont aussi des lieux publics où vous pouvez obtenir des informations, trouver un emploi, vous constituer un réseau, suivre vos amis, etc. Il n'y a aucune raison d'exclure 50 % de la population en raison de l'insécurité de ce fragment de l'espace public." explique Sarah Schlitz
A.C.