Ce premier conseil communal (après celui dédié aux prestations de serment) a débuté sur les chapeaux de roues ! Il a tourné autour du budget, du financement de la Ville et des projets 2024-2030, laissant entrevoir les premières tensions. Résumé.
Ce conseil communal a débuté devant un public venu en nombre. Des représentants FGTB et CGSLB, ainsi que des travailleurs, ont profité de ce premier conseil pour dénoncer les mesures du gouvernement MR-Engagés. Philippe Barbion, président de la FGTB Charleroi-Thuin, a pris la parole, autorisé par la nouvelle présidente du conseil Nathalie Monforti : « nous serons amenés à nous revoir, nos actions ne font que débuter ».
Après notamment la prestation de serment de Philippe Van Cauwenberghe qui rempile en tant que président du CPAS, le conseil communal a débuté par les désignations des chefs et cheffes des différents groupes, à savoir :
- PTB : Pauline Boninsegna
- MR-IC : Anthony Dufrane (absent et excusé)
- Les Engagés : Manon Choël
- PS : Isabella Greco
Le conseil communal a ensuite tourné autour du sujet majeur : le budget, la déclaration de politique communale « Projet de Ville » pour la législature 2024-2030, mais aussi et surtout : la solution que propose le gouvernement wallon pour aider financièrement Charleroi.
« Une forme d’hypocrisie du gouvernement wallon »
Charleroi fait partie des villes wallonnes en difficulté, exclue par le secteur bancaire dans le cadre du Plan Oxygène. Mais nous vous l’annoncions il y a quelques jours, le Gouvernement wallon a validé la mise en place d’une solution pour la Ville de Charleroi (ainsi que Mons et Liège). Le Centre régional d'aide aux communes (CRAC) prêtera environ 110 millions à Charleroi sous certaines conditions, qui pourraient faire mal à la Ville et à ses citoyens, telles que :
- La tarification des prestations communales, au minimum à leur prix coutant
- La fin de la statutarisation du personnel communal
- La fin des services mis gratuitement à disposition de la population
- La réduction des cabinets scabinaux de 15%
La convention, reçue aujourd'hui à 12h seulement, faisait donc l’objet de débats lors du conseil communal. Le bourgmestre Thomas Dermine (PS) a pris la parole :
Nous prenons acte de la convention soumise par le gouvernement, même si à titre politique, je trouve qu’il y a une forme d’hypocrisie. Le gouvernement impose à ses villes des efforts 4 à 5 fois plus importants que les efforts qu’il s’impose à lui-même. Aussi, il promet qu’il n’y aura pas de nouvelles taxes, mais inscrit dans une convention le fait que les pouvoirs locaux des grandes villes doivent augmenter les taxes !
Malgré la réception tardive de la convention, le conseil communal a dû voter sa signature en fin de conseil (point ajouté en urgence).
Sans ce financement, nous ne pourrons pas assurer une continuité de l’emploi, indiqueThomas Dermine.Quelques heures ne sont en effet pas raisonnables pour un examen démocratique, mais le gouvernement laisse peu de possibilité d’aménager cette convention. Notre situation financière ne nous laisse pas le choix que d’approuver cette convention. Nous n’avons pas d’espace pour l’amender afin d'assurer la survie des services publics.
Nous reprochons au gouvernement wallon d’avoir envoyé cette convention à midi ce lundi, ajoute Pauline Boninsegna. D’autant plus que cette convention est identique à celles des autres villes. C’est un manque de respect flagrant pour les communes ! Demain, ce sont nos services communaux qu’on met à terre. On doit voter contre cette convention et demander de retirer les conditions qui ne permettent pas d'assurer les services à la population.
Cette convention n’a pour but que de nous donner un cadre et permettre de redonner confiance aux banques qui ne veulent plus nous financer, explique Nicolas Tzanetatos, conseiller MR-IC, mais aussi député. Si on ne peut plus emprunter, on ne pourra plus rien faire. Le gouvernement à le droit d'imposer des conditions car, lui, ne demandera jamais de l'argent à prêter à Charleroi.
Le gouvernement wallon promet qu’il ne taxera pas les citoyens, et tente de nous obliger, nous, gestionnaires de grandes villes, à le faire, dénonce Isabella Greco, conseillère et cheffe de groupe PS. Face au piège que vous nous tendez au gouvernement wallon, nous allons trouver des solutions !
Thomas Dermine a ajouté qu’il regrettait l’injustice concernant les périphéries qui profitent gratuitement des infrastructures de Charleroi, pour lesquelles les Carolos payent. Selon le bourgmestre, les dépenses de transferts (police, pension et autres) sont les grandes raisons des difficultés de Charleroi, et non pas les coûts inclus dans les fameuses conditions. Il conclut :
Nous minimiserons l’impact de cette convention, nous ne toucherons pas à l’emploi, nous n’empêcherons pas l’émancipation des Carolos et nous ne toucherons pas à l’attractivité de Charleroi. Et je suis désolée qu'on doive voter ce point dans l'urgence.
La convention a été validée, votée à la majorité moins abstentions du PTB.
Le projet : renforcer l’attractivité de la Ville
En dehors de cette convention, les projets 2024-2030 et leurs grandes lignes ont été présentés par le bourgmestre lors de ce conseil.
Nos leviers d’actions prioritaires, notamment révélés pendant la campagne, sont divers : assurer la sécurité, prendre soin de notre environnement urbain (lutter contre les incivilités), vitaliser le commerce (notamment dans les communes secondaires), faciliter les accès (favoriser la mobilité partagée) mais sans oublier la voiture (en étendant le parking gratuit), recréer l’attractivité en attirant de nouveaux habitants…
Le bourgmestre a également évoqué la jeunesse, le folklore (outil d’attraction pour le commerce), le sport, la culture, etc.
L’essentiel de nos leviers sont des leviers humains, parce que nous voulons surtout travailler sur la vie à Charleroi.
Mais le collège compte également faire aboutir des projets urbanistiques, puisque la précédente législature a débuté une rénovation de grande ampleur qui va se poursuivre : ilot Verlaine, quartier du futur (la caserne), Rockerill, piscine de Marchienne, Métro vers les Viviers, Mégafactroy, des quartiers, des places…
Une opposition déçue ?
L’opposition a réagi face à la présentation du Projet de Ville. Pour le groupe MR-IC, 4 conseillers ont voulu prendre la parole, pour exprimer leur déception face au manque du budget et de chiffres.
Nous attendions beaucoup de Mr Dermine comme bourgmestre, et nous sommes très déçu, a indiqué Denis Ducarme, conseiller MR-IC. Que fait ce gestionnaire ? Il nous présente une politique qui n’est pas basée sur un budget, sans chiffre ! On ne va pas approuver une déclaration de prétention, c’est du vent, il n’y a rien ! C’est votre premier acte manqué.
Votre déclaration est une suite non priorisée de mesures non chiffrées, ajoute Nicolas Tzanetatos. Le seul cadeau annoncé, c’est le stationnement gratuit qui passe de 30 à 60 min. Je partage le constat de Mr Ducarme : c’est une belle présentation sur ce que pourrait devenir Charleroi, mais sans rien de concret et sans budget.
« Valider ça ou rien, c’est la même chose », c’est ce qu’ont estimé les membres MR-IC. À la même table, Jean-Noël Gillard a rejoint les membres de son groupe, mais il a également ajouté qu’il regrettait le manque de communication avec les citoyens.
Vous parlez de co-construction, mais ce Projet de Ville n’a jamais été communiqué aux citoyens !
Laetita Dehan, conseillère MR-IC, a également regretté que malgré un bourgmestre qui change, la politique ne semble pas changer. Pauline Boninsegna a ensuite pris la parole seule, au nom de son groupe, le PTB. Elle a également pointé du doigt le manque de priorités et de mesures concrètes et réalisables.
Le mot « attractivité » revient de nombreuses fois dans cette déclaration : attirer de nouveaux habitants, des commerçants, de nouveaux investisseurs… Mais pourquoi le service public n’est pas autant abordé ? C’est ça qui est primordial pour les citoyens qui ont a cœur de retrouver des services de proximité : agent de quartier, guichets… Quand on en parle, c’est toujours par le prisme d’économies.
La cheffe de groupe regrette que Charleroi devienne un « objet commercial » qui se doit d’être attractif et rentable.
Mais je veux quand même rester positive, il y a quand même des choses positives, notamment grâce à la « PTB Touch », j’imagine, explique-t-elle ironiquement. On nous reprochait d’intervenir trop souvent sur la mobilité et le parking payant, je vois quand même qu’aujourd’hui il y a du changement. Ça nous pousse à continuer notre combat.
Manon Choël, conseillère et cheffe de groupe Les Engagés, a salué le travail présenté notamment concernant la sécurité, la création d’un échevinat du Cadre de vie (porté par Eric Goffart, du même groupe politique). Du côté du PS, Isabella Greco a soulevé l’importance de placer les Carolos au centre des décisions et stipule que ce projet a été créé sur base des besoins recueillis sur le terrain.
Le bourgmestre défend son projet
Thomas Dermine a répondu aux différents points soulevés par les conseillers.
Je peux accepter beaucoup de choses : oui tout ce dont on a parlé pendant la campagne ne se retrouve pas dans le Projet, oui il y a un point d’honneur sur l’attractivité, et oui j’accepte vos remarques sur le budget. En effet, je regrette de ne pas pouvoir vous présenter des éléments de budget plus avancés, notamment pour cette année 2025. Mais en ayant reçu des informations de la part de la région aujourd’hui midi, je ne pouvais pas vous présenter un budget complet ce soir. Je n’accepte par contre pas qu’on sous-entende qu’il y aura de nouvelles taxes.
Le collège a décidé de ne pas prévoir un budget de plein exercice pour 2025 tout de suite. D’autant plus que la formation du gouvernement fédéral aura peut-être des répercussions sur le pouvoir local, selon Thomad Dermine. Le collège assure que ce « non budget » n’aura pas d’impacts sur la trésorerie. Concernant le manque de communication reproché, le bourgmestre carolo s’est également exprimé :
Si j’avais d’abord envoyé le projet aux citoyens, vous m’auriez reproché de ne pas vous l’avoir envoyé à vous prioritairement. Je n’entache en rien la démocratie, et les citoyens auront le projet dès demain matin. La démocratie, par contre, c’est aussi qu’un chef de groupe soit présent en commission et lors du conseil communal. (Sous entendu : l’absence d’Anthony Dufrane lors de ce premier conseil).
MR-IC et le PTB ont à leur tour exercé leur droit de réponse. Denis Ducarme a notamment rappelé qu’Anthony Dufrane était souffrant, regrettant l’attaque. Les 2 groupes d’opposition se sont opposés à l’approbation de cette déclaration de politique communale, votée majoritairement.
L’opposition prend sa place !
Avec une opposition qui prend bel et bien sa place, les conseils communaux 2024-2030 risque d’être mouvementés ! Denis Ducarme, nouvelle tête de ce conseil, n’est pas passé inaperçu, rappelé parfois à l’ordre par la nouvelle présidente.
Le PTB, de son côté, avait inscrit 2 interventions à l’ordre du jour. Mathieu Marchal et Pauline Boninsegna ont interpellé Alicia Monard (PS), échevine de la Mobilité, sur la réévaluation de la zone turquoise à l’Avenue Mascaux à Marcinelle et sur le manque de communication autour du Ring vélo. Alicia Monard, qui a pris ses fonctions il y a 2 semaines, a assuré son souhait d’améliorer et de simplifier la politique de stationnement, mais aussi la communication :
J’aimerais rétablir le lien de confiance entre la Ville de Charleroi et les citoyens et commerçants. Un processus d’évaluation va être entamé par la RCA, en collaboration avec l’observatoire du stationnement. Au cours de l’année 2025, un nouveau règlement sera présenté. Aussi, ces 2 dernières semaines, j’ai en effet constaté le manque de communication. Son renforcement et celui de la confiance sera pour ma part une priorité.
La mobilité sera probablement, comme la mandature précédente, au centre de nombreux conseils communaux, l’échevine semble en savoir bien conscience.