Comment voter quand on ne sait ni lire, ni écire ? C'est la question que quelques apprenants de l'ASBL "lire et écrire" Charleroi Sud-Hainaut ont posé aux candidats aux prochaines élections à Fontaine-l'Evêque. Une initiative née de la campagne de sensibilisation du mouvement.
Barbara Osselaer, tête de liste pour "Mieux Demain", Noël Van Kerckhoven, tête de liste pour "Union Essentielle", et Sophie Mengoni, candidate pour la liste PS, ont répondu la semaine dernière à l'invitation de la section Charleroi Sud-Hainaut de l'ASBL Lire et Écrire. Ils ont pris part à un mini-quizz suivi d’un déjeuner-débat, axé sur les défis rencontrés par les personnes en situation d'illettrisme.
Parmi la trentaine de participants issus de l'ASBL "Lire et Écrire", il y avait Mehmet. Vivant en Belgique depuis 30 ans, il fait partie des 10 % de personnes dans le pays qui rencontrent encore des difficultés à lire et écrire. Avec les élections qui approchent dans moins d’un mois, Mehmet se retrouve face à un vrai casse-tête. Incapable de lire et de comprendre les programmes, il se fie généralement à l’image et au visage des candidats pour faire son choix.
À l'approche des élections communales, l’ASBL "Lire et Écrire" a voulu attirer l'attention sur ces personnes, comme Mehmet, qui rencontrent des difficultés non seulement lors des élections, mais aussi au quotidien, lorsqu'elles sont confrontées à des administrations locales mal adaptées à leurs besoins.
"C’est une campagne que l’on a imaginée et travaillée sur l’ensemble de la Fédération Wallonie-Bruxelles avec les apprenants, pour leur permettre de vivre dans leurs communes en tant que citoyens. Quelles sont leurs demandes par rapport à une commune qui serait plus inclusive ? Nous nous sommes prononcés sur 5 mesures assez simples qui ne ruineraient pas les finances communales." Cécilia Locmant, chargée de communication chez Lire et Écrire.
Voici les 5 mesures proposées par l’ASBL aux futurs élus :
- Des guichets accessibles pour éviter que tout ne passe uniquement par Internet ;
- Sensibiliser les agents communaux aux difficultés liées à l'illettrisme ;
- Agir contre l'illettrisme dès la maternelle ;
- Améliorer la clarté des informations dans les administrations ;
- Élargir les horaires d’ouverture des services communaux.
Ces mesures sont indispensables, comme le souligne Marthe Diamonde, une autre apprenante. Elle raconte avoir été renvoyée d’un centre de formation avec ces mots : "Revenez lorsque vous aurez appris à lire et écrire."
"Je me sens comme un maillon faible, je suis faible. Il y a beaucoup de choses que je veux faire et d'autres que je n’arrive pas à faire. Hier, j’ai vécu une expérience humiliante qui m’a laissé le cœur gros. Qu’ils (les élus) essaient de changer ces choses pour nous..", confie-t-elle.
À Fontaine-l’Évêque, une initiative similaire a déjà vu le jour, et d'autres déjeuners-débats sont prévus dans toute la Wallonie. L’expérience menée dans la région et le débat qui en est ressorti ont non seulement permis de sensibiliser les politiciens, mais surtout de redonner confiance aux apprenants. Ils peuvent enfin mieux comprendre le vote, s’exprimer, et sortir de cette image de "maillon faible".