Le collège carolo a présenté au conseil communal le budget pour 2025. Un budget tiraillé entre les mesures du plan Oxygène de la Région wallonne, les promesses électorales et les réalités budgétaires. Il a été adopté majorité contre opposition.
C’était le grand soir ce lundi ! Le conseil communal a débuté sous les yeux de dizaines de citoyens et de nombreux syndicats. Avant d’entrer dans le vif du sujet, Jean-Noël Gillard a été désigné chef de groupe MR-IC en début de conseil. Il était notre invité vendredi dans le JT pour parler de ce poste, qu’il endosse dans un contexte tendu au sein de son parti. Ensuite, des citoyens ont interpellé le conseil au sujet du projet de centre fermé à Jumet.
Le budget communal pour l’exercice 2025
Les débats autour du budget ont ensuite débuté. Eric Ridolfo, directeur du Budget de Charleroi, a d’abord présenté quelques chiffres afin d’expliquer comment la Ville est parvenue à présenter un budget 2025 équilibré (ce que lui imposait la convention Oxygène).
Que retenir ?
- Recette exercices propres 2025 : 580 698 870 (-1,50% par rapport à 2024)
- Recette de prestation : +2,8 millions d’euros par rapport à 2024, liés notamment à l’augmentation des prix de location de salles, les tarifications ATL (garderies)
- Les dépenses de personnel diminuent également. En plus des 2 indexations, les mesures Oxygènes réduisent d’1,7 million d’euros les dépenses (notamment en réduisant la taille des cabinets)
« Si on ne fait rien, le déficit va continuer à filer. On va donc agir en vigueur ! La Ville de Charleroi fera sa part, un effort deux à trois fois supérieur à celui que la Région wallonne. Mais on attend en retour que la province, le fédéral et la Région fassent aussi leur part », indique Thomas Dermine, bourgmestre de Charleroi, lors du conseil communal.
Pour rappel, le Gouvernement wallon a octroyé à la Ville en décembre dernier un prêt de 112 millions d’euros, dans le cadre du plan Oxygène. Cette convention impose des efforts de 20 à 30 millions d’euros sur son budget annuel, et des mesures.
Rappel : pourquoi ces difficultés ? Et quelles mesures ?
Souvenez-vous, le collège avait déjà présenté les grandes lignes de son budget à la presse début avril. Si vous aviez vu ce sujet, qui rappelle le contexte budgétaire de la Ville et les mesures qui toucheront les citoyens, rendez-vous au point suivant. Sinon, voici un rappel :
Comme annoncé, des mesures sont prises pour présenter un budget à l’équilibre. Mais comment en est-on arrivé à de telles difficultés aujourd’hui ? Selon le bourgmestre, la Ville de Charleroi fait face à une dégradation rapide de ses finances communales sous l’effet de dépenses qu’elle assume pour d’autres niveaux de pouvoir, les « 4P » : pensions, police, pompier, pauvreté. En parallèle, elle assume seule les frais d’infrastructures dont profitent pourtant les habitants de communes périphériques. Le bourgmestre rappelle d’ailleurs que Charleroi n’est pas la seule grande ville en difficulté. Sans compter les nouvelles décisions des nouvelles majorités au niveau de pouvoirs supérieurs qui vont induire des dépenses additionnelles, avec notamment la limitation des allocations de chômage à deux ans, la non-indexation des subsides…
« Nous n’avions donc pas le choix de signer cette convention Oxygène, pour garantir le service public et donc l’emploi, mais aussi pour présenter un budget à l’équilibre ce soir. »
Le collège de la Ville de Charleroi a ensuite présenté les mesures actées pour la mandature, que lui imposait de prendre le plan Oxygène du gouvernement wallon.
Rappel des mesures actées :
- Révision du cadastre
- Augmentation des additionnels au précompte immobilier : alignement sur ceux de Mons et Liège
- Instauration d’une taxe sur les centres commerciaux et sites industriels en friche
- Indexation de la taxe poubelle et réduction du nombre de sacs poubelles distribués
- Hausse tarifaire pour les non-carolos : piscine Hélios, plaine de jeux, mise à disposition de matériel, location de salles … .
- Hausse de la redevance forfaitaire en cas de non-paiement du parking (30€ —> 40€)
- Diminution des subsides aux associations
- Plus de gratuité des garderies : elles passent à 1,25€ pour les enfants non-carolos, une mesure de soutien sera appliquée pour les Carolos afin de maintenir une forme de gratuité
Le collège communal participe également à cet effort collectif avec une réduction de la vie politique :
- 15% de réduction des effectifs de cabinet
- Non-indexation des primes de cabinet durant la mandature
- Réduction à 0 des frais de représentation et de fonctionnement des membres du Collège dès 2026
La Ville pouvait déroger aux obligations prévues à condition de les remplacer par des alternatives. La Ville n’a pas touché à la nouvelle taxe égouts imposée par la convention : ça ne se fera pas. Aussi : pas d’arrêt des collectes de verre, pas de suppression des chèques-sport, dispense de réduction de subsides pour les opérateurs culturels, pas d’indexation des tarifs de stationnement, l’extension de la gratuité de 30 min à 1h reste d’application.
Avis de l’opposition sur le budget
Les deux groupes d’opposition ont préféré ne pas soutenir ce budget 2025.
MR-IC
« Nous héritons d’une gestion passée qui nous mène droit dans le mur », indique Jean-Noël Gillard, chef de groupe MR-IC. « Nous pensions, Mr Dermine, que vous seriez en rupture avec ce que votre prédécesseur mettait en place, mais vous n’innovez pas. Les mesures dont vous tenez pour responsable le gouvernement, c’est juste un cadre normal. »
Le chef de groupe est remonté aux années 70, pour rappeler que la situation actuelle n’est pas neuve, notamment quant aux problèmes liés aux dépenses que n’assument pas les communes périphériques. « Qui était à la tête de la ville à ce moment-là ? Qui était à la tête des différents gouvernements ? La situation n’a qu’une explication historique, signée PS. Les dépenses de dette sont de 93 millions d’euros, elle augmente chaque année. »
Jean-Noël Gillard a également pointé du doigt que les dépenses du CPAS représentent plus de la moitié des dépenses de la Ville, mais aussi que les outils liés au développement territorial de Charleroi coûtent beaucoup trop à la ville (quid du Bowmeester ?). Il a ensuite regretté que les recettes de fiscalité augmentent de 5%, « puisque ça signifie taxer les citoyens ».
« L’horizon que vous proposez est un horizon qui ne permettra pas de trouver des solutions pérennes. Il manque un calendrier précis. »
À l’inverse de ce qu’a indiqué le bourgmestre, le chef de groupe pense que les mesures mettent à mal l’attractivité de la Ville. Il appelle le collège à prendre ses responsabilités. « La situation dans laquelle vous vous êtes mises n’est pas liée au gouvernement actuel. »
Il restait 5 min au MR-IC pour prendre la parole. Le conseiller Denis Ducarme a donc également tenu à s’exprimer, regrettant que le bourgmestre ait présenté les mesures à la presse avant les conseillers, et les nombreuses taxes. Le conseiller Nicolas Tzanetatos, a à son tour regretté qu’il s’agisse uniquement de mesures superficielles, liées au plan Oxygène et prises pour la région, et non pour réellement cesser d’augmenter la dette en faveur de Charleroi :
« Il y a aussi des chiffres qui posent question. Quand j’analyse votre budget, vous le basez par exemple sur une moyenne de 351 amendes par jour. Comment peut-on se fixer sur un chiffre si aléatoire ? »
PTB
« On demande encore aux Carolos de faire des efforts, c’est un budget austère », indique Pauline Boninsegna, conseillère et cheffe de groupe PTB. « Au niveau des autres niveaux de pouvoir, on va diminuer le pouvoir d’achat, les pensions, et maintenant au niveau local on ajoute des taxes ! »
Selon le PTB, le gouvernement MR-Les Engagés « est un gouvernement de menteurs » puisqu’il a juré qu’il n’imposerait pas de taxes, mais qu’il utilise les pouvoirs locaux pour en imposer. « C’est le plan asphyxie des communes. »
Par contre, Pauline Boninsegna s’est accordée avec le collège quant à l’origine du déficit, contrairement au MR-IC.
« Non, le déficit n’est pas lié à une mauvaise gestion. Il vient d’un problème structurel du financement des communes, des 4 P. C’est un vol de 3 milliards d’euros auprès des communes, par les autres niveaux de pouvoir. »
Pauline Boninsegna regrette par contre que la Ville « se couche » face à la région et plie aux conditions imposées par le gouvernement. Elle regrette les mesures proposées.
« Augmenter les amendes ? Et le cadastre ? Pourquoi toucher aux propriétaires qui ont réussi à acheter une maison à Charleroi ? Sans parler des associations qui permettent de remettre de la vie dans certains quartiers, et qui ne pourront plus le faire si elles doivent payer un chapiteau, un podium… »
Comme le MR-IC, le PTB regrette que l’attractivité de la Ville soit mise à mal par les taxes imposées. « Derrière les chiffres, il y a des réalités qui désespèrent de nombreux Carolos. Ma ville, je l’aime pour les Carolos qui y vivent et qui ont la main sur le cœur. Mais ce budget est bien trop lourd pour ces personnes. »
La cheffe de groupe a clôturé en proposant que les plus grosses fortunes, ou en tout cas les grandes entreprises puissent payer leur part pour éviter de faire payer les citoyens.
Réponses de la majorité
Paul Magnette, ancien bourgmestre, intervient
Paul Magnette, ancien bourgmestre et actuel conseiller communal PS, a tenu à prendre la parole notamment face à l’attaque du MR quant à sa mauvaise gestion de la Ville.
« Quand on aime sa ville, on se bat pour sa ville où qu’on soit. En 2007, j’ai tout de suite compris qu’il y avait un problème fondamental de sous financement des communes. À l’époque, avec Paul Furlan, on a écrit un memorandum porté au gouvernement : Charleroi a alors bénéficié d’un soutien extraordinaire qui lui a permis de tenir bon. Nous sommes toujours allés chercher les subsides et moyens. C’est quoi le projet du MR pour les Villes ? Rien, la médiocrité, et la vengeance. Il faudra libérer la Wallonie de l’emprise du MR avant de pouvoir rétablir les choses, telles que la gratuité des garderies. »
Réponse du collège
Thomas Dermine a ensuite répondu au MR-IC :
« Si on fait tout ce que nous impose le gouvernement, on résout seulement 20% du problème budgétaire de Charleroi, au détriment des citoyens. On tente d’impacter le moins possible les citoyens malgré les mesures qu’on nous impose, et c’est vous qui nous reprocher une rage taxatoire ?! »
« On vous donne de l’oxygène, de la responsabilité, et vous vous plaignez du cadre ? C’est normal de vous demander d’entamer des réflexions pour l’assainissement de la Ville ! C’est facile de nous faire passer pour les méchants », a répondu Jean-Noël Gillard, MR-IC.
Le bourgmestre répond ensuite au PTB :
« Félicitations. Vous êtes une des rares cheffes de groupe applaudie par la majorité et qui n’a pas eu besoin de ses copains pour parler (en référence au MR-IC). Concernant les amendes, nous visons à aider la grande masse des Carolos : les travailleurs pour qui on n’indexe pas l’abonnement. Aussi, c’est un comble de nous reprocher des mesures que votre parti valide à Mons (le PTB y fait partie de la majorité). »
Julie Patte (PS), échevine de l’Enseignement, a pris la parole concernant la fin des garderies gratuites. La colère était présente :
« Ça va coûter 500€ à certaines familles, évidemment qu’on regrette ! Le MR mène un combat politique contre le PS, et ça mène aux mesures, que vous (le MR) nous reprochez en même temps que vous nous les imposez. Car oui, c’est écrit noir sur blanc dans la convention Oxygène. »
L’échevine a aussi regretté ne recevoir aucune réponse des différents gouvernements concernant ses demandes pour sauver les acteurs culturels.
Une motion contre le gouvernement ?
Après les débats concernant le budget, le PTB a proposé de voter une motion « contre l’austérité sur les communes » afin notamment de
- continuer à soutenir les travailleurs et travailleuses impactés par les mesures notamment à travers le plan Oxygène
- demander au gouvernement de renoncer à la diminution de 8 millions d’euros des subsides aux intercommunales de gestion des déchets, de renoncer à la mesure consistant à ne pas garantir l’augmentation d’1 % supplémentaire du fond des Communes.
- exiger du gouvernement fédéral d’assumer 50 % des coûts des zones de secours, au lieu des 25 % actuels, d’assumer le manque à gagner pour le paiement des pensions des fonctionnaires statutaires locaux et de soutenir les communes dans leur gestion des finances publiques
Et d’autres mesures, en réponse au gouvernement wallon et sa suppression de subsides aux ASBL, la diminution de l’aide financière accordée aux CPAS, et les autres mesures qui impactent les finances des grandes communes comme Charleroi. La motion a été approuvée.
« Nous sommes contre cette motion, car demander des fonds sans réforme locale c’est comme remplir un tonneau percé », indique Mr Gillard pour le MR-IC. « Le CRAC est un partenaire, la convention Oxygène n’est pas un ennemi. »
« Nous comprenons les inquiétudes exprimées, Charleroi fait en effet face à des charges trop lourdes », ajoute Manon Choël, conseillère et cheffe de groupe Les Engagés. « Mais nous nous abstiendrons, car la pérennité de Charleroi passe par un travail collectif. »
« Cette motion nous invite à prendre de la hauteur face au financement des communes », répond à son tour Thomas Dermine. « Il faut élargir cette motion à une question plus globale : quelle vision pour la Wallonie ? Nous rejoignons les inquiétudes du PTB et nous voterons pour cette motion. Mais nous comprenons que Les Engagés s’abstiennent, vu leur position dans le gouvernement. »
La motion a donc été approuvée à la majorité.
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