Tout le monde est d’accord, nous ne sortirons pas indemne de la crise sanitaire qui nous occupe. Et c’est d’autant plus vrai pour les ménages sur lesquels les crises économiques successives que nous avons connues pesaient déjà lourdement. Le Réseau Wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP), attire l’attention sur ces ménages.
Plusieurs crises économiques suivies d’une crise sanitaire, comment les ménages déjà appauvris vont-ils s’en sortir, c’est la question que pose le réseau de lutte wallonne contre la pauvreté, par l’intermédiaire de Christine Mahy, Secrétaire Générale et Politique du RWLP.
«Une crise sociale préexistait à la crise coronavirus, des ménages étaient déjà dans la pauvreté avec des revenus du travail trop faibles, du temps partiel non choisi, des familles mono-parentales avec des revenus trop bas et un endettement important. En Wallonie, seuls 35 à 40% de la population disposent d'une épargne, hors quand on n'a pas d'épargne on n'a pas de matelas. Donc, n'importe quel incident dans la vie pour ces ménages est un problème."
Les mesures de confinement n’ont pas le même impact sur les ménages selon leurs conditions initiales d’existence, et selon que la maladie sera là ou pas. Dans une vie budgétaire mensuelle en flux tendu, toute perte de revenu même minime, ou totale, et toute augmentation de charges fixes creusent inexorablement un trou et conduiront rapidement à de l’endettement et des problèmes.
La vie est également, dans le cadre de cette crise, plus chère une fois encore pour les ménages les plus pauvres, dont les types de contrats d’emploi sont fragiles, dont les statuts sont les moins clairs, ou qui ne disposent d’aucun statut. Le RWLP constate enfin, que cette épidémie révèle les inégalités préexistantes, et annoncent une aggravation de celles-ci.
Ces ménages seront une partie non-négligeable de la « relance » économique.
« A qui en appelez-vous ? Au gouvernement et toutes les task forces qui existent. On a parfois peur que les ménages soient les oubliés de ces task force. Nous disons prenez les composantes ménages comme des entités à part entière et comme des personnes et des entités nécessaires à une économie qui marche bien. Et on s'adresse aussi aux hommes et aux femmes politiques qui auront à prendre les décisions finales."
Pour Christine Mahy, c'est d'une aide directe dont ces familles doivent disposer. Une aide financière exceptionnelle à l'instar des aides versées aux indépendants et aux entreprises. Sinon, ce sont les CPAS qui vont trinquer.
« Le CPAS était déjà envahi avant la crise du covid, et donc pour toutes sortes de raisons parce que notre société s'appauvrit. Ce qui ne serait pas soutenable, c'est que les gouvernants disent "passez par le CPAS parce que vous avez une perte de revenus. Non, non, il faut que des politiques structurelles soient mises en place pour aider ces ménages. »
Il faudra un après
Enfin, si nous acceptons de considérer que cette crise sanitaire majeure interroge nos modèles d’organisation, nos priorités sociétales, nos rapports à la mondialisation, qu’elle ramène au sens de la vie, la réponse devra sans doute se faire en terme de création massive d’emplois de services publics qui font sens, aux côtés de l’initiative privée.
« Notre demande phare, dit encore Christine Mahy, c'est que l'on fasse confiance au monde des ménages comme on fait confiance au monde des entreprises et des indépendants. Certains ménages sont dans le rouge, il faut les aider en voie directe à travers la sécurité sociale, à travers la loi du travail, à travers la politique de migration, c'est à dire que des revenus arrivent par voie directe. »
Balises proposées
Le RWLP propose quelques balises et outils à partir desquels travailler pour viser à limiter l’appauvrissement des ménages. Il en va de leur intérêt et de l’intérêt de l’économie directe.
Balise 1 : Etablir un plancher de revenu en-dessous duquel aucune personne et ménage ne pourrait descendre : qui tende vers le revenu de référence. Ceci notamment en envisageant une allocation Covid-19 exceptionnelle versée complémentairement aux allocations de remplacement de tous types.
Balise 2 : Ne pas inventer de système complexe nouveau, mais utiliser les dispositifs existants à partir des institutions publiques en charge de l’organisation du droit du travail, de la sécurité sociale, du droit des étrangers.
Balise 3 : ne pas surcharger ni le temps, ni les budgets des CPAS en imposant le passage par ceux-ci pour des personnes dont la seule difficulté est la perte de revenu consécutive à la crise sanitaire.
Balise 4 : Organiser ces aides exceptionnelles sur base d’un principe de confiance, limitant le contrôle au strict minimum indispensable pour accorder l’aide.
Balise 5 : Anticiper d'un an la liaison au bien-être qui aurait dû, normalement, prendre place en 2021-2022, compte tenu de l’augmentation du coût de la vie.
Balise 6 : Garantir la protection des malades du Covid-19 pour un retour au travail à court et long terme.
Balise 7 : Uniformiser, simplifier , et élargir de façon sécurisée, le périmètre de l’accès aux mesures de soutien hors droit du travail (exemple : crédits hypothécaires pour lesquels l’accès actuel est réservé au fait de faire la preuve du chômage temporaire consécutif au Covid, prendre des décisions par rapport aux loyers).
Cette crise sanitaire va-t-elle nous apprendre quelque chose ou allons nous juste faire le gros dos ? Le RWLP pense qu'elle est plutôt l’occasion d’un réel tournant de nos sociétés. Voeux pieux ou réalité ? seul l'avenir le dira.