François Demoulin, avocat général à la cour d'assises du Hainaut, a requis mercredi la culpabilité de Sergio Siciliano pour le meurtre de Lucia Valentini, commis à Jumet, la nuit du 18 au 19 février 2022.
Pour l'accusation, ce crime à un caractère sexiste qui répond à l'article 495 quater du Code pénal. "Ce qui s'est passé le soir du 18 février 2022 n'est que le condensé de la relation entre Sergio Siciliano et les femmes", a déclaré l'avocat général, qui pourrait alors réclamer la perpétuité.
Lucia Valentini a été frappée de trente-quatre coups de couteau, dont onze ont sectionné des organes vitaux. Les faits ont eu lieu dans son habitation, située à l'arrière de son salon de coiffure, rue de la Station à Jumet.
L'avocat général épingle la situation judiciaire et administrative de l'accusé au moment des faits. "Il dépend systématiquement des autres pour se loger, et reste tout le temps dans une situation précaire. Ses revenus sont des indemnités de mutuelle. Il fait l'objet de six mesures judiciaires et d'une détention sous bracelet électronique".
En octobre 2021, Sergio Siciliano cherche un endroit où s'installer. Il rencontre alors une dame, par le hasard d'un démarchage téléphonique, une Dunkerquoise chez qui il va rester quatre mois. "Il a trouvé une solution pour fuir la justice belge et, après deux jours, il s'impose chez elle, qui a été victime d'un mari buveur".
La Dunkerquoise lui demande de partir, comme d'autres avant elle, "car sa jalousie va se porter sur les hommes qui entourent cette femme et, à ce moment-là, il sort les couteaux. Il est coutumier du fait".
En février 2022, Sergio Siciliano revient dans la région de Charleroi, après avoir dérobé le véhicule de la Française pour revoir une ex-compagne à Ostende. Il cherche à revoir deux anciennes compagnes, lesquelles refusent de le reprendre chez elles.
L'accusé tente ensuite sa chance auprès d'une autre ancienne compagne, laquelle l'envoie sur les roses. M. Siciliano s'installe alors dans un hôtel et entre en contact avec Lucia Valentini, par le biais des réseaux sociaux. Il la séduit en se présentant comme un grand chef de cuisine. Ils s'échangent ensuite des messages, "dans lesquels il insiste, il pousse à entrer en contact avec elle". Lucia refuse dans un premier temps.
Elle accepte finalement, et il s'installe chez elle dès le 13 février. L'histoire se répète. "Il s'impose à une dame naïve, alcoolique, qui recherche le prince charmant. Toutefois, Lucia a un caractère bien trempé et elle ne se laisse pas faire".
Le 18 février, une dispute éclate, au moment où la victime demande à l'accusé de "dégager" et lui réclame 800 euros. "On ne chasse pas Sergio Siciliano, on ne quitte pas Sergio Siciliano, qui n'a pas d'argent. Tous ses échecs se concentrent, face à une femme qui, en plus d'être ivre, ne veut pas se laisser faire". Le crime a lieu dans la foulée.
L'avocat général balaye d'un revers de la main l'excuse de provocation, posée par la défense. "Comment oser comparer les deux estafilades qu'il a subies avec les trente-quatre coups de couteau qu'il a portés à la victime, laquelle n'a fait que tenter de se protéger ?"
Comme Me Bouchat, avocat des parties civiles, l'avocat général qualifie le crime d'acharnement. Il ajoute que c'est du mépris envers une femme qui a résisté, "qui a été utilisée et manipulée, comme d'autres avant elle, au nom du mépris". Et d'ajouter qu'il a détruit plusieurs femmes, sous emprise et traitées comme "esclaves".
Selon les experts, le risque de récidive en matière de relations conjugales est l'un des plus élevés. "Toute sa vie illustre son mépris à l'égard des femmes lesquelles sont, selon lui, 'toutes des putes'. Reconnaitre l'article 405, c'est aider ces femmes à chasser la peur", conclut l'avocat général, s'adressant à un jury majoritairement composé d'hommes.
Le crime n'avait pas de caractère sexiste, selon la défense de Sergio Siciliano
Ses avocats, Me Bruno et Me Callari, posent la question de la provocation, mais ont demandé d'y répondre négativement, estimant qu'elle n'est pas établie sur le plan pénal. Cependant, Me Bruno estime que l'accusé a été victime de violences, physique et verbale.
Les avocats contestent toutefois le contexte discriminatoire du crime, alors que le ministère public a posé la circonstance aggravante prévue à l'article 405 quater du Code pénal, le meurtre pour une raison sexiste. "C'est un procès d'intention", répond Me Bruno.
Selon ses avocats, l'accusé n'a tenté de manipuler personne dans cette affaire, passant aux aveux rapidement. "C'est un crime commis par un ivrogne", clame l'avocat.
Ce dernier prétend que le réquisitoire de l'accusation se base sur les témoignages des ex-compagnes. Celles-ci ont évoqué des menaces avec un couteau, "mais il a été condamné une seule fois en quinze ans pour port d'arme", note son avocat.
Me Bruno constate en outre que l'accusé et la victime avaient un profil similaire, pouvant être gentil à jeun et violent sous l'influence de l'alcool. "Ce crime est la combinaison des travers de deux personnes, et pas la volonté de stigmatiser une personne en raison de son sexe", plaide l'avocat. "Mais, contrairement à lui, elle n'avait aucun antécédent judiciaire", a répondu Me Bouchat lors des répliques.
Selon ses avocats, Sergio Siciliano a été victime de violences morales et physiques de la part de la victime le jour des faits. Cette première scène a eu lieu entre la salle de vie et la cuisine. "Sergio Siciliano a désarmé la victime et a jeté le couteau".
La défense soutient que Lucia Valentini s'est armée d'un deuxième couteau, lors de la deuxième phase de la bagarre, qui a eu lieu devant le frigo, là où a été retrouvé le cadavre. Il soutient que son client a été attaqué dans le dos, s'est retourné et a été frappé.
Une entaille sur son tee-shirt le prouve, selon Me Bruno, ainsi que des estafilades sur le ventre et les bras. "Il a eu une montée de stress et il a pété les plombs. Il doit assumer ce carnage", plaide l'avocat. Ce dernier estime que la victime voulait en découdre, refusant qu'on fasse la loi chez elle.
Lors des répliques, chacun est resté sur ses positions.
Le jury est parti débattre de la culpabilité de l'accusé à huis clos, en présence de la cour.