Cette journée s'annonçait printanière. Les premiers rayons du soleil s'apprêtaient à accompagner les aubades et faire blinquer les grelots. Et sur toutes les bouilles, ces sourires nom de dieu! Cette banane d'autant plus large qu'on sortait d'un hiver sans fin, long de deux années pourries dégueulasses. Les yeux pétillaient comme le champagne qu'ils s'apprêtaient à boire dans chaque maison du ramassage. Bref l'amour, l'amitié, la joie, le bonheur étaient de retour.
Et puis en un éclair noir, le jeu de massacre. Des Gilles qui volent comme des quilles, des cris, du sang, des pleurs. La désolation sidérée.
Et le folklore, au bord de la noyade depuis plus de deux ans, à qui on remet la tête sous l'eau à peine sortie.
Car oui, c'est tout le folklore que deux inconscients, deux criminels, ont fait voler en éclats dimanche matin à Strépy. Au-delà du drame humain qui ruine des familles entières pour la vie, y compris celle des deux responsables, c'est toute la famille folklorique qui n'a plus que ses yeux pour pleurer.
De Ath et ses Géants à Stavelot et ses Blancs Moussis, de Mons et son Doudou à Namur et ses Echasseurs en passant par l'Entre-Sambre-et-Meuse et ses marches, ce sont des centaines de milliers de membres d'une même famille qui pleurent des morts partis le jour même où la renaissance était prévue.
Parce que le folklore, c'est le symbole du vivre ensemble. L'image même du rassemblement entre amis, en famille autour d'une chope, d'une goutte, d'un quart d'heure de chansons paillardes. Le folklore c'est ce qui donne un sens à la vie de plus en plus compliqué à trouver ailleurs. Le faire exploser de la sorte, ce n'est rien d'autre qu'un acte de haine, non seulement d'un mépris total pour la vie humaine, mais aussi pour la vie en société.
Faut-il se détester soi-même pour détester ainsi ceux qui célèbrent la vie...
Faut-il être envahi d'une sombritude abyssale pour vouloir à ce point écraser ceux qui portent la lumière de l'existence...
Mais ce que ces deux ne savent pas, c'est qu'au bout du compte, c'est toujours la lumière qui gagne. Toujours.
Martial DUMONT