Mon Wiwi,
Quand la nouvelle est tombée, j'ai d'abord réagi en journaliste: il fallait informer tout le monde que tu n'étais plus su'l voye...Une fois le boulot fait, j'ai brai comme un gamin. Et puis j'ai passé cette douce soirée d'été à te réécouter. Ce qui m'a permis de me rappeler tous ces bons moments vécus ensemble, une pinte à la main.
Oh bien sûr, je n'ai pas eu le bonheur de te connaître du temps où tu faisais la fiesta à Charleroi dans les années 80. Je ne suis pas de ceux qui ont connu Le Coup de Fusil ou la Broc. Je n'ai pas vécu cette période fabuleuse d'insouciance et de bamboche que tu contais si bien.
A vrai dire, je t'ai connu quand toi-même tu étais reconnu. Du temps où Alfred était (re)devenu William Dunker, icône de toute une région. Du temps de Trop Tchaud, du Mambo, d' Ey'adon. Du temps où tu remplissais les Francos, où tu faisais des duos magiques avec I Muvrini. Je t'ai connu dans une période où tu avais même peine à croire ce qui se passait. Foutu syndrome de l'imposteur pour un mec qui ne voyait pas pourquoi on le poussait à faire un disque.
Je t'ai connu aussi à un moment où tu as rendu ses lettres de noblesses au wallon, langue populaire et chaleureuse comme toi. Quitte à fâcher des Ayatollahs du dialecte qui estimaient que tes chansons, ce n'était ni du wallon, ni de la musique, qui trouvaient que ton Black country Blues était choquant pour les ouvriers. Pauvre barbons...
Je t'ai connu un peu avant qu'on décide ensemble d'écrire ton histoire en nous retranchant 3 jours dans une cabane improbable, non pas au Canada que tu aimais tant, mais du côté de Beauraing. Cette histoire, c'est Planète Dunker, celle d'un gamin d'immigrés devenu le plus carolo d'entre tous, qui avait compris son terroir et les gens qui y vivent jusqu'à en devenir leur porte parole. Tu m'as dit un jour en parlant de Lolotte: "Lolotte n'est pas de Charleroi, Lolotte est Charleroi". Comment mieux te définir, toi?
Toute ma vie, je me souviendrai de ta gentillesse, de ta bienveillance, de ton talent que tu n'as pas exploité comme tu aurais pu. Je garderai cette image qu'un autre journaliste avait donnée de toi: celle d'un "Coluche éléphantesque papillonnant sur la pointe des pieds". C'est tellement toi.
Tu es parti rejoindre tes idoles: Nougaro, Desproges, Gainsbourg, Léo l'anarchiste avec qui tu partageais timidité, pudeur et sensibilité à fleur de peau.
Tu vas nous manquer s'tu...
Mais nous, quand-même, on va continuer ce que tu nous invitais à faire, sur scène comme dans la vie: profiter des bonnes choses. Carpe Diem.
Tu avais écrit pour conclure notre bouquin: "Dites-vous bien que si les journées sont parfois longues comme des soirées d'hiver à Marchienne-au-Pont, la vie est courte, elle... Bien trop courte... Et surtout n'oubliez pas: fuchèz toudis fiers d'ièsse wallons".
Eh ben tu sais quoi, m'chou? Rén qu'd'i pinser, sintèz come èm'coeûr bat...
Gros bètches Wiwi.
Martial Dumont