C’est Yves Delatte qui reprendra les rênes de la Sonaca à la rentrée. Bernard Delvaux, quitte l’entreprise gosselienne après 13 années, il surprend tout le monde et si hier il n’a pas voulu nous dire où il allait, il se confirme ce matin qu’il présidera désormais aux destinées d’un mastodonte de la construction belge Etex. Soit 13 000 personnes et 3 milliards de chiffre d’affaires.
A la Sonaca Bernard Delvaux a surpris tout le monde, par contre son successeur lui n’est pas forcément une surprise.
Yves Delatte est un homme de l’intérieur au parcours éblouissant. Ingénieur civil formé à Louvain-la-Neuve, il commence sa carrière chez Glaverbel. Il adopte Charleroi ou l’inverse, toujours est-il qu’il va trouver ici son terrain de jeu favori.
« En 2008-2009, je mène un projet de consultance pour la région wallonne sur le projet Sonaca, c’est mon premier contact avec l’entreprise, mon travail d’alors va mener au changement de leadership entre Christian Jacquemart et Bernard Delvaux. Après un MBA au Etats-Unis et 4 autres années chez Mc Kinsey, je reviens à la Sonaca. C’était il y a une dizaine d’années. »
Il est alors responsable du développement de nouveaux projets. Il va gérer de A à Z la mise au point de nouveaux contrats et des millions d’euros. Ensuite, viendra l’aventure Sonaca Aircraft dont il est le CEO, puis la responsabilité commerciale de l’ensemble du groupe. Et en septembre prochain c’est un autre défi de taille qui l’attend.
Il va falloir se retrousser les manches
L’année dernière, le chiffre d’affaires de l’entreprise a chuté de 50% (430 millions d’euros) et il a fallu licencier dans les différentes filiales étrangères du groupe. 1500 personnes au total.
Yves Delatte est conscient que comme Bernard Delvaux avant lui, il arrive dans un contexte extrêmement difficile, mais il compte bien s’inspirer de son mentor.
« Bernard au cours des 13 dernières années a transformé efficacement et en profondeur l’entreprise, tout cela de façon très positive et constructive aussi. Donc, je vais vraiment m’intégrer en droite ligne dans le style Bernard Delvaux qui a été mon mentor durant ces 10 dernières années. »
Le ralentissement du marché de l’aviation dû à la pandémie mondiale de Covid-19, la cadence de production est 45% moins élevée qu’avant la crise sanitaire. Remettre l’entreprise en ordre de marche sera le premier vrai défi de Yves Delatte.
« Heureusement, les carnets de commande des avionneurs se remplissent à nouveau grâce à la reprise du trafic aérien aux Etats-UNis et en Asie et on espère bientôt en Europe grâce à la vaccination. Nous avons des confirmations de plus en plus claires et précises de nos clients sur la reprise des commandes d’avions mono couloir notamment, comme l’Airbus A320 et le Boeing 737. Ils vont rapidement retourner à leur production originale. »
Un retour à la normale qui va quand même prendre quelques années.
Une aviation moderne et durable
Pour Yves Delatte, construire des avions, participer à la fabrication et l'assemblage des structures pour l'aéronautique à destination des marchés civils, militaires et spatiaux, c’est un peu comme un rêve d'enfant.
Toutefois, il est conscient que c’est un univers qui doit évoluer vers plus de conscience écologique, même si l’humanité n’est pas prête à se passer de ce moyen de transport.
« L’avion ne disparaitra pas demain, je pense que ce n’est pas demain que l’on prendra le train pour aller aux Etats-Unis, mais l’aviation a fait d’énormes efforts pour réduire la consommation de carburants au cours des dernières décennies. La Sonaca a également beaucoup investi pour contribuer à construire les avions de demain, pour réduire l’emprunte écologique du transport aérien mais aussi celle de l’entreprise elle-même. »
La gestion du personnel, un autre défi
Yves Delatte se plait à Charleroi et le fait de travailler dans une entreprise qui fonctionne comme une entreprise privée avec des fonds publics correspond à ses valeurs personnelles.
« Il y a un double objectif, d’un côté chercher la performance opérationnelle et la rentabilité. De l’autre, préserver des emplois de qualité sur le sol wallon. Voilà des choses qui me tiennent à coeur. »
Côté syndical, les permanents du secteur à Charleroi se disent surpris du départ de Bernard Delvaux, rien n’aurait filtré.
Pourtant, s’il y a bien une chose que le futur CEO reconnait à son prédécesseur, ce sont bien ses bonnes relations avec les représentants du personnel.
« J’ai de la chance de pouvoir prendre les rênes après l’ère Bernard Delvaux, j’ai eu l’occasion de voir Bernard à l’oeuvre avec le personnel et je compte continuer dans cette lignée là. Je pense que c’est possible car nos intérêts et ceux des syndicats sont alignés vers le même objectif qui rejoint ce que j’ai déjà dit plus haut à savoir allier rentabilité et préservation d’emplois de qualité. »
Yves Delatte n’a pas peur de veiller aux destinées de la Sonaca, mais il doit intégrer de nouveaux acteurs clés comme les syndicats justement, la presse, le monde politique … dans l’équation du CEO. Et ça c’est, une fois de plus, de l’ordre du défi pour cet homme de l’ombre, cet homme de dossier.