Chaque jour en Wallonie, 35 familles voient leur vie bouleversée par un accident de la route. Pour certaines d’entre elles, le choc se déroule quasi instantanément sur les réseaux sociaux, alors avant de poster, réfléchissez !
Chaque jour en Wallonie, 35 familles voient leur vie basculer suite à l'accident d'un de leur proche. Pour certaines d’entre elles, le choc est encore plus violent. Diffusées quasi instantanément sur les réseaux sociaux, avant l’intervention des services compétents, des images de l’accident les informent en effet brutalement du drame. Cette annonce engendre une souffrance émotionnelle supplémentaire chez ceux dont le proche est décédé ou blessé. Cela s'appelle : la victimisation secondaire.
Pour sensibiliser le public à ce phénomène, l’AWSR lance sa campagne "avant de poster, réfléchissez !". Cette initiative est lancée à quelques jours de la Journée Mondiale du Souvenir des Victimes de la route qui sera célébrée ce dimanche.
Victime deux fois
Qu'est-ce que la victimisation secondaire ? Ce sont toutes les situations où les victimes et leurs proches subissent des souffrances supplémentaires à la suite d’un drame. Elles sont en quelques sortes victimes une seconde fois. Dans le cadre d’un accident de la route, de nombreux comportements peuvent mener à des situations de victimisation secondaire (la complexité des procédures, les commentaires et jugements sur les circonstances ou la gravité de l’accident, l’absence de soutien…).
L’AWSR attire aujourd’hui l’attention sur l’un d’entre eux : la diffusion, sur les réseaux sociaux, d’images ou d’informations à propos d’un accident. Ces éléments, souvent publiés avant que les proches des victimes n’aient pu être informés, leur annoncent parfois le drame brutalement. Ils les confrontent également à des images et des détails parfois insoutenables qui, une fois sur le web, ne disparaitront jamais.
Lindsay Demarteau a perdu son compagnon lors d’un accident de la route en 2020, ses proches ont appris le drame via les réseaux sociaux "Ils ont reçu des messages de condoléances alors qu’ils n’étaient même pas encore au courant de l'accident. Faire face aux appels et aux questions de l’entourage proche ou lointain, alors que j’étais moi-même sous le choc et que je n’avais pas les réponses, a été très difficile. Ces photos sur les réseaux sociaux, m’ont également empêché d’annoncer moi-même la nouvelle à mes enfants, avec mes mots et le soutien dont ils avaient besoin à cet instant. Ce moment m’a été volé et je ne pourrai jamais le retrouver."
Même diffusées avec une intention bienveillante, ces informations peuvent entraîner des conséquences dramatiques pour les proches.
Laura Collart, psychologue et victimologue au sein du service d’Accompagnement des victimes de l’AWSR explique pourquoi. " L’annonce de l’accident est un moment critique qui doit être accompagné par des professionnels. C’est à ce moment précis que la vie des proches bascule. En apprenant la nouvelle via les réseaux, ils se retrouvent malheureusement seuls face au choc."
« Avant de poster, réfléchissez » : la campagne qui interpelle
La nouvelle campagne de sensibilisation de l’AWSR invite les citoyens à prendre conscience des conséquences que ces publications, qui peuvent sembler anodines, peuvent avoir sur les victimes et leur entourage.
Une vidéo, diffusée sur les réseaux sociaux, montre la rapidité avec laquelle une telle information se propage sur internet. Une simple photo ou vidéo d’un accident postée sur les réseaux peut ainsi très rapidement engendrer une rafale de partages et de commentaires.
Ne pas partager ni commenter peut aussi faire toute la différence. Comme le précise Laura Collart, " Les commentaires ou jugements publiés en ligne (comme " Encore un jeune irresponsable " ou " Il devait sûrement être sous influence") nourrissent parfois un lynchage médiatique injustifié qui accentue la souffrance des victimes et leurs proches."
Catherine Petitjean, de la Police Fédérale de Liège le confirme : " L’annonce d’un drame de la route est bien évidemment toujours inattendue et éprouvante émotionnellement pour l’entourage, mais nos équipes sont formées pour faire face à ces situations. Elles font en sorte que cela se déroule de la manière la plus humaine possible : elles offrent un soutien immédiat, elles prennent le temps de répondre aux questions et fournissent les premiers renseignements utiles. Lorsque l’information circule avant que nous ayons pu entrer en contact avec les proches, ceux-ci risquent d’apprendre la nouvelle dans un contexte inapproprié et surtout sans bénéficier du soutien adéquat.".
Les médias ont aussi un rôle à jouer
En marge de cette campagne qui vise le grand public, l’AWSR souhaite également sensibiliser les médias. Le service d’Accompagnement des victimes de la route de l’AWSR a ainsi adressé un courrier aux rédactions francophones. En limitant, dans les heures qui suivent un accident de la route, les publications aux données strictement nécessaires à l’information du grand public, la presse peut en effet contribuer à prévenir ce type de situation.
Des milliers de familles concernées
Selon un sondage de l’AWSR, 1 Wallon sur dix a déjà pris une photo d’un accident de la route et, dans la moitié des cas, l’a partagée sur les réseaux sociaux. Un comportement qui est deux fois plus répandu chez les moins de 35 ans.
Ces pratiques peuvent potentiellement toucher de nombreuses personnes. On compte en effet chaque année près de 12.500 victimes d’un accident en Wallonie, soit près de 35 chaque jour. Derrière chacune d’entre elles, c’est toute une famille qui est également concernée.
Aujourd’hui, l’AWSR appelle tous les Wallons à contribuer à cet objectif. En prenant en compte la douleur des victimes et de leurs familles avant de décider de partager des informations concernant un accident, chacun peut en effet contribuer à les préserver de souffrances supplémentaires.