Le secteur brassicole sort d'une de ses années les plus difficiles. Non seulement la consommation domestique a reculé l'an dernier, mais les exportations, qui compensent depuis de nombreuses années la perte d'appétit du Belge pour son produit national, ont dégringolé.
"2023 a été l'une des années les plus difficiles pour notre secteur", commente la fédération des Brasseurs belges, dans son rapport annuel publié jeudi. La consommation de bières en Belgique est tombée à 6,53 millions d'hectolitres. Ces dernières décennies, seules les années Covid 2020 et 2021 étaient plus moroses encore. Par rapport à 2022, la consommation a reculé de 6% environ, dans l'horeca, comme dans la grande distribution.
Maigre consolation, la progression de 12% en un an des volumes de bières faiblement (max. 3,5% alc.) ou non alcoolisées. La part de marché de ce segment dans l'ensemble du secteur brassicole reste cependant marginale, estimée actuellement à 4,8%.
Les exportations représentent encore plus du double de la consommation nationale puisque 15 millions d'hectolitres de bières fabriqués dans le Plat Pays sont expédiés aux quatre coins du monde. Les volumes exportés reculent de 7,5%. Ce sont surtout les pays extérieurs à l'Union européenne qui ont été moins demandeurs en breuvages belges, avec un déclin dépassant les 22% vers ces destinations. Les trois principaux débouchés, Royaume-Uni, États-Unis et Chine, ont reculé. La première destination hors UE devient la Russie, mais le directeur des Brasseurs, Krishan Maudgal, n'y voit pas d'effet structurel. "Chaque membre décide individuellement de sa stratégie (d'exportation, NDLR)", souligne-t-il. Les Russes ont importé 322.000 hectolitres de bières belges l'an dernier, nettement plus qu'en 2022 (262.000 hl), mais près de deux fois moins qu'avant la guerre en Ukraine (515.000 hl en 2021). Avec 196.000 hectos en 2023, les Américains importent dix fois moins de breuvages belges qu'en 2020 et semblent plus que jamais être portés sur leurs innombrables "craft beers".
En Europe, les baisses observées en France et en Allemagne ne sont pas compensées par les progressions enregistrées en Italie, en Espagne et aux Pays-Bas.
Plusieurs facteurs expliquent ce tarissement en Belgique et à l'étranger: la hausse des coûts en raison de l'inflation, une pénurie de personnel et une augmentation des frais de personnel. Les Brasseurs constatent par ailleurs que le Belge fait de plus en plus attention à ses dépenses et renonce plus fréquemment à s'offrir une petite mousse.
Les brasseries s'étaient multipliées ces dernières années, mais en 2023, pour la première fois en 15 ans, le nombre de fermetures était supérieur à celui des ouvertures. Trente-six brasseries ont ainsi mis la clé sous la porte alors que 23 se lancent dans l'aventure, portant le nombre total de brasseries en Belgique à 417, fin décembre 2023.
Au lendemain des élections, les Brasseurs appellent "les décideurs politiques de demain à concevoir des politiques réfléchies au cours de la prochaine législature afin de garantir, avec nous, la compétitivité de notre secteur et de protéger et promouvoir la culture de la bière belge", commente Krishan Maudgal.
Il plaide pour ne pas ajouter une imposition supplémentaire à la "lasagne de taxes" actuelle. Dans notre secteur brassicole, 70% des contenants sont réutilisables (bouteilles et fûts) et "nous ne sommes même pas encouragés pour cela", déplore-t-il. Concernant la santé publique, il espère que la lutte contre l'abus d'alcool, soutenue par la fédération des Brasseurs, ne devienne pas un combat contre la consommation d'alcool globale.