Chaque année, inlassablement, la Ligue des familles demande la mise en place effective de la gratuité scolaire. Pourquoi ? Est-ce vraiment si cher ? Si grave ? N’est-ce pas simplement le prix à payer pour bénéficier d’une école de qualité ? Pour y répondre, cette fois, l’organisation a choisi de donner la parole à 7 familles très diverses, mais unies par cette même difficulté à faire face aux frais scolaires. Parmi elles, Rosa, une mère célibataire avec deux enfants, inscrits en maternelle et en primaire.
La scolarité implique inévitablement une série de coûts. Certains sont autorisés. D’autres, toujours trop nombreux, flirtent avec le droit, voire sont franchement illégaux. Toujours est-il que ces frais sont souvent importants et fragilisent les familles plus précaires.
Parmi les 7 familles interrogées par la ligue des familles, il y a Rosa. Elle a inscrit son petit garçon et sa petite fille dans une école libre. Une école qui parfois coûte cher.
"Je n'ai jamais fait le calcul, mais l'année qui s'annonce risque de me coûter un peu plus cher, étant donné que ma fille part en classe verte. L'année dernière, grâce ou à cause du Coronavirus, on a eu un peu moins de frais. Pour le petit en maternelle, ça va encore, mais pour la plus grande, quand il y a la natation, la fancy fair, les sorties etc... ça coûte et puis il faut les rhabiller. On est le 26 et je vous avoue que je ne sais pas comment je vais faire."
Les frais scolaires, une vraie charge mentale
Pour faire face aux charges les plus importantes comme la rentrée scolaire, ou un voyage scolaire, certains parents diluent ces frais dans le temps.
Chaque dépense doit être anticipée, mais elle reste une charge constante dans l’esprit. C'est une charge mentale de tous les instants, principalement pour les mamans qui sont le plus souvent à la manœuvre.
« Ce qui coûte le plus cher c'est le matériel scolaire de rentrée et puis je le disais, la natation ça monte vite très haut. On a beau essayer d'anticiper, on oublie et puis il y a toujours d'autres factures qui tombent au moment où on ne l'attend pas forcément et puis mince, on trouve la facture de l'école dans le journal de classe. Et on se dit qu'il va bien falloir la payer celle-là aussi.»
Rosa a été élevée dans un milieu modeste au sein d'une famille de 7 enfants, elle connait les difficultés que ses parents ont rencontrées avant elle.
"Moi je suis très fière et je ne veux rien montrer, mais oui, on y pense. On y pense quand même, parce que on se dit il y a peut-être une facture qui va tomber à tout moment. Ici à la rentrée je sais que j'ai déjà 15 euros à payer pour le "Azimut" de ma fille. C'est que 15 euros vous allez me dire, mais il n'y a pas que ça."
Payer l'école ou mettre à manger sur la table
L'école reste une priorité malgré tout et pour certaines familles, elle vient très tôt dans le budget, après le loyer et les factures. Ensuite seulement viennent les frais alimentaires. Cet ordre de priorité établi dans le budget des familles semble partagé par les familles interrogées par la Ligue des familles.
Ceci peut induire une forme de comportement sacrificiel de la part des parents qui vont renoncer à de nombreuses dépenses pour eux afin de pouvoir continuer à payer les frais de l’école, selon Maxime Michiels, chargé d'étude et d'action politique à la ligue des familles et auteur de l'enquête.
"Une maman expliquait postposer l’achat de nouvelles lunettes tandis que d’autres nous expliquaient ne jamais partir en vacances en famille tout en payant des sommes très importantes en classes vertes ou en classe de neige."
Revoir notre reportage sur la gratuité des repas dans les écoles communales de Charleroi, un pas vers l'école gratuite.
Payer, payer, toujours payer
Malgré ces difficultés, la plupart des familles paient, ce qui rend parfois ces difficultés rencontrées par les parents difficilement perceptibles.
En effet, grâce aux solidarités mécaniques (comme le CPAS) ou organiques (comme le recours aux proches), des parents arrivent à supporter ces charges.
Quand ça devient trop difficile, Rosa demande de l'aide à sa maman.
« C'est ma maman qui m'aide. Je ne pourrai pas demander de l'aide à une autre personne. Ma maman elle même qui a connu cette situation se propose souvent. Après je lui rembourse, on s'arrange entre nous. Je déteste faire ça. Et quand j'ai la possibilité de le faire, j'essaie de mettre un peu d'argent de côté pour éviter de lui demander de l'aide.»
Malgré ces difficultés, à aucun moment, Rosa n'a imaginé changer sa petite fille d'école. Dès qu'elle a visité l'école avec sa fille, elle l'a sentie à sa place.
Pour d'autres familles interrogées, la solution a été beaucoup plus radicale, une maman qui témoigne dans l'enquête de la ligue des familles explique avoir changé sa fille pour la mettre dans l'enseignement communal, moins cher.
Une solution qui dans son cas a été bénéfique pour tout le monde puisque libérée du poids financier, elle a pu s'impliquer plus dans la scolarité de ses enfants, et offrir à l'école ce dont elle dispose le plus : son temps !
Ecole - argent - parents, un trio infernal pour certains
La relation entre parents et écoles est un enjeu important. Pourtant, les témoignages des parents qui sont mis en difficulté par les coûts scolaires montrent à quel point une relation de qualité est rendue difficile par l’existence des frais scolaires.
« C'est compliqué, je ne demande rien et ils ne savent probablement pas que j'ai parfois des difficultés. Je ne veux pas non plus qu'à cause de cela on pose une étiquette sur la tête de mes enfants. Je pense malgré tout que si j'en parlais à la directrice, elle pourrait trouver des solutions, mais je n'ai jamais envisagé de parler de cela au sein de l'école.»
Et lorsque l’école enfreint les règles en matière de coûts scolaires, les parents ne le savent pas, ou craignent de réagir. C’est pour ces raisons que la Ligue des familles demande qu’il soit mis en place une inspection de la gratuité scolaire.
Ne pas s’arrêter au maternel
La gratuité des fournitures scolaires a été instaurée progressivement dans l’enseignement maternel : D’abord en 1ère maternelle en 2019, puis en 2ème en 2020 et enfin en 3ème lors de cette rentrée 2021.
Et la suite alors ? C’est là toute la question que veut poser la Ligue des familles. A ce jour, rien n’est prévu – et encore moins voté – pour l’enseignement primaire et secondaire.
"Pourtant, ces niveaux représentent un coût plus important pour les familles et doivent donc également évoluer vers la gratuité. La Ligue des familles demande de poursuivre le mouvement et d’instaurer progressivement, dès la rentrée 2022, la gratuité des fournitures scolaires et le plafonnement du coût des voyages à l’école primaire. Cela implique de veiller à un financement adéquat des écoles, afin que la gratuité ne soit pas perçue comme un frein à l’organisation de certaines activités ou à la bonne qualité de l’enseignement."
C’est d’ailleurs ce qui était prévu dans le Pacte pour un enseignement d’excellence : « le renforcement de la gratuité doit s’envisager de manière séquentielle en priorité dans l’enseignement maternel, puis dans l’enseignement primaire, puis dans l’enseignement secondaire », ainsi que dans l’accord de gouvernement, qui entendait « poursuivre et renforcer les mesures adoptées en matière de gratuité scolaire et fixer un échéancier progressif de mise en œuvre de la gratuité ». Les difficultés vécues par les familles nous montrent à quel point il est urgent de concrétiser ces engagements.
Voici notre reportage JT de ce 25 août 2021:
