Michel Fugain chantait « le printemps est arrivé, la belle saison » et si jusque là les jardineries pouvaient être d’accord, aujourd’hui elles déchantent. Les jardins sont prêts à accueillir les nouveaux arbustes et les nouvelles fleurs, sauf que la plupart des magasins qui vendent des plantes sont fermés. Mais pas tous ! Un inégalité entre réseaux de distribution que dénonce la fédération des jardineries. Une concurrence déloyale disent d’autres comme Jardinand à Gozée qui a dû fermer ses portes hier.
Du côté des plus petites structures familiales comme les établissements Raunet à Nalinnes, le confinement est une catastrophe
« Mars, avril, mai, c’est 70% de mon chiffre d’affaires, nous rapporte Sandry Raunet le patron. On continue l’entretien des parcs et jardins, ça ne pose pas de problème, mais le magasin est fermé. Nous avons tenté de mettre en place un système de livraison de fleurs et de plantes par mail, mais en attendant qu’il soit mis en place se sont 5 à 6 000 plantes que nous avons dû jeter. Alors que pendant ce temps les supermarchés proposaient les mêmes fleurs dans leurs rayons. »
Avec la livraison à domicile qu’il a réussi à mettre en place, c’est un tiers de son chiffre d’affaires que cet horticulteur pépiniériste espère récupérer, juste de quoi rester la tête hors de l’eau.
« On s’est organisé autrement, ça a pris un peu de temps, deux personnes s’occupent des commandes et deux autres des livraisons. La fédération horticole wallonne se bat pour obtenir un mot d’ordre cohérent. Soit tout le monde ouvre, soit tout le monde doit fermer. »
Le problème des animaleries
Car certains jardineries restent ouvertes comme AVEVE et Jardinand (jusqu’à hier) pour ne citer que ceux-là. Dans un premier temps, ceux-ci n’ont ouvert l’accès aux rayons de nourriture pour animaux uniquement, ensuite un arrêté du ministre de l’Intérieur, Pieter de Crem, a autorisé les magasins alimentaires à vendre des fleurs et des plantes. Les jardineries ont donc ouverts de plus belle ou presque.
Chez Jardiland, il faut désormais fermer
Johnny Lange le patron, n’en démords pas, la fermeture qui lui a été imposée hier par le bourgmestre de Thuin, Paul Furlan, est injuste et favorise d’autres commerces similaires au sien.
« Le 17 mars, nous avons fermé comme tous les magasins. Très vite, nous avons été informé que la ministre avait pris la décision que les gens qui vendent de la nourriture pour animaux pouvaient ouvrir. Nous avons donc ouvert le côté animalerie uniquement. Le lundi suivant, l’arrêté du ministre De Crem tombait et donc nous avons rouvert l’ensemble du magasin avec des mesures de distanciation très larges et l’accord du procureur du Roi, Monsieur Marlaire. »
Johnny Lange a d’abord demandé l’avis de son personnel et respecté le choix de chacun, ensuite en fonction du nombre de personnes disponibles, il a décidé d’ouvrir 3 heures par jour et de limiter le nombre de caddies pour garder 60 m2 de distance entre les clients.
« Le problème c'est qu'il y a eu des pressions sur le bourgmestre Paul Furlan, qui après quelques discussions depuis lundi matin a décidé mercredi de fermer le magasin. Nous avons pourtant un concurrent à 4 kms qui ouvre tous les jours et qui est sur la même commune. Monsieur Furlan est passé au-delà de l'accord que nous avions avec le procureur du Roi, il a des arguments sauf que les arguments doivent peser pour tout le monde et c'est pas le cas ! "
Johnny Lange se dit donc victime des réseaux sociaux et des commentaires peu élogieux que l'on y trouve.
Le printemps c’est la poule aux oeufs d’or
Les mois de mars, avril, mai et Juin, se sont les moins durant lesquels toutes les jardineries font le plus gros de leur chiffre d’affaires. Au printemps, la population plante, entretient et réaménage. Rien que pour le mois de mars le magasin de Gozée est à 60% de son chiffre d’affaires, en avril à 25%. Avec les ventes en ligne, Johnny Lange espère sauver 5% de son chiffre habituel. Un problème économique qui vient s’ajouter à celui de la fermeture obligatoire.
Le bourgmestre PS de Thuin, Paul Furlan qui a pris l’arrêté de fermeture, se retranche derrière une directive du Gouverneur du Hainaut. Il s’en est expliqué à nos confrères de la Nouvelle Gazette.
"Il estimait qu’il pouvait rester ouvert, comme il vend de la nourriture pour animaux. J’en ai donc référé au gouverneur, pour savoir quelle attitude adopter, et la réponse a été très claire. Les magasins qui proposent de la nourriture à titre principal peuvent continuer à fonctionner. Pas quand c’est accessoire.
Fédération Belges des jardineries dans tout ça
L’Association Belge des Jardineries ne compte pas rester les bras croisés devant cette situation, elle a déjà lancé un appel au gouvernement et a fait état d’une certaine discrimination envers la vente de fleurs au détail.
Autre victime, Filippo Goane, le patron de Tournesol à Châtelineau qui expliquait également à nos confrères de la Nouvelle Gazette que
« Les grandes surfaces profitent du malheur des autres. Certaines vendent de tout et plus que jamais ! La loi, c’est pour tout le monde, et elles ne devraient pas profiter de la situation.»
L’Association Belge des Jardineries exige dès lors une décision unanime que tous les magasins qui vendent fleurs, plantes et nourriture pour animaux puissent avoir le choix d’ouvrir ou de fermer leurs portes.