Febelfin vient de publier les chiffres des reports de crédits aux particuliers et aux entreprises. Des chiffres qui informent sur la situation des travailleurs et des entreprises, et si aujourd’hui la ministre de l’emploi estime à un million le nombre de personnes en chômage temporaire, ceux-ci parviennent plutôt à s’en sortir puisque 66 514 demandes de report de crédits hypothécaire « seulement » ont été introduites à ce jour.
Très tôt les banques ont pris conscience de l’ampleur de la tournure que prenait l’économie de notre pays et pour que tout le monde s’y retrouve, dont les banques bien sûr, le secteur a réfléchi à la meilleure manière d’alléger la facture, comme l’explique Rodolphe de Pierpont, porte-parole de Febelfin la fédération des institutions financières belges.
« On a mis en place en mars un mécanisme pour les particuliers et leurs crédits hypothécaires et pour les entreprises de suspendre les échéances à venir et atténuer l’impact financier de la crise »
Pour les particuliers
Charlotte a un double statut : salariée à mi-tems et indépendante pour l’autre mi-temps depuis presque trois ans. Elle a dû mettre fin à ses consultations en tant qu’indépendante, mais n’a pas pu bénéficier du droit passerelle. Seule avec deux enfants, elle avait quand même de lourdes charges à assumer dont la maison.
« J’ai fait mes calculs et avec un mon mi-temps en moins je parvenais tout juste à payer la maison et les charges, mais il ne restait plus grand chose pour les courses. J'ai donc contacté ma banque, les infos étaient un peu floues au départ, et visiblement chaque banque s’arrange un peu à sa sauce. Mais j’ai été rapidement contactée et je rentrais parfaitement dans les conditions. Des conditions très larges au final comme une perte de revenus due à la crise, pas de défaut de paiement du crédit, un compte d’épargne qui ne dépasse pas 25 000 euros. La maison devait également être mon lieu de vie principale. »
Ensuite pour pouvoir bénéficier d’un report complet, intérêts et capital, il a fallu prouver que les revenus du ménage n’excédait pas 1 700 euros. C’était le cas pour Charlotte. Ce qui lui évitera de voir son tableau d’amortissement recalculé à l’issue de ce moratoire sur son crédit.
« C’est une bouée d’oxygène, cela va me permettre après la crise de me refaire une patientèle et de redémarrer mon activité. A l’issu du mois de mai, j’y verrai déjà plus clair, nous dit Charlotte, mais franchement ça enlève un stress. Toutefois ça reste encore flou et il faut vraiment se renseigner, et faire ses calculs. D’autant que l’année prochaine je reporterai sans doute ce petit cadeau aux impôts donc… Je ne sais pas si ce n’est pas un faux cadeau, on verra. »
Une formule qui plait
Comme Charlotte, 66 514 ménages ont déjà fait appel à cet aide, elles avaient des crédits moyens de 104 000 euros et le volume total de ces crédits représentent quasi 7 milliards d’euros.
« C’est très difficile d’anticiper les demandes, nous explique Rodolphe de Pierpont, le porte-parole de Feblefin, mais cela montre qu’un certain nombre de personnes ont déjà fait appel à leurs banques pour trouver une solution. C’était le but de la mesure. permettre à chacun de dormir sur ses deux oreilles. »
Cette mesure n’est pas automatique, il faut faire une démarche volontaire, d'où l'intérêt du comptage.
« Il faut juste entrer dans les conditions mais la condition la plus importante est d’avoir subi une perte de revenus à cause de la crise. Pour les particuliers, être au chômage temporaire est suffisant. Pour les entreprises, être un des secteurs visés par l’arrêt des activités. »
Des fermetures forcées et des pertes de marché
L’arrêt des activités, c’est ce qui est arrivé à Olivier D'hane de Steenhuyse, l'homme derrière les chiffres de la Brasserie val de sambre. Bien avant que l’épidémie n’arrive chez nous, son entreprise avait subi la crise du coronavirus. Son client principal étant chinois, il a vu ses commandes fondre comme neige au soleil.
« Notre budget est assez conséquent vous vous en doutez, nous explique Olivier, quelques millions d’euros issus du privé, mais aussi empruntés auprès des banques comme Ing ou Belfius, ainsi que des fonds de Sambrinvest. Lorsque l’Europe a dit qu’il fallait aider les entreprises, le secteur bancaire a débloqué 50 milliards d’euros, mais ces 50 milliards ont dû être garantis par le gouvernement. »
Pour faire le gros dos, Olivier n’a pas eu d’autre choix que de demander un report de crédits auprès des banques. Mais à la différence des particuliers, les entreprises elles continuent à payer les intérêts de leurs crédits pendant les 6 mois de report.
« J’ai reçu ce matin matin même, l’avis d’échéance du 30 avril et effectivement je ne paie que les intérêts et ce jusqu’en octobre. Notre contrat est par ailleurs prolongé de 6 mois. J’attends maintenant un nouveau tableau d’amortissement pour voir comment vont être calculé nos intérêts sur la partie restant, après les 6 mois de pause, du crédit. »
Pendant les 6 mois à venir, la Brasserie ne paiera donc plus finalement que 10% des mensualités habituellement payées. Et comme les prévisions du côté de la Chine sont bonnes, cela permettra vraiment à l’entreprise de respirer et de remonter la pente petit à petit.
Mais comme Charlotte, Olivier est un peu dubitatif et se demande qui va payer la facture au final. Il ne faut pas être naïf, pourtant personne ne veut répondre, sans avoir fait ces comptes.