Pas le temps, les Gitans!

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Pas le temps, les Gitans!

Vous souvenez-vous du film “Le Temps des Gitans” d’Emir Kusturica qui nous plonge dans la vie d’un jeune rom partagé entre l’amour des siens, la misère, et l’illusion d’une vie meilleure?

Un récit profondément humain, à la frontière du réel et du magique, où la culture rom est montrée dans toute sa richesse, sa complexité, mais aussi sa fragilité face à l’exclusion sociale.
Plusieurs communes de notre région ont marqué leur volonté de mettre à disposition des terrains adaptés et équipés (en leur faisant logiquement payer les charges). Mais force est de constater qu’il n’y en a toujours pas dans notre coin.
Le Gitan, un peu renard, un peu loup qui sort le jour ou bien la nuit, qui aurait pu être un grand matador, un voleur de poules, un jeteur de sorts mais comme l’a si bien rappelé Daniel Guichard, sa vie à lui elle est dans ses poings. Daniel Guichard, ça ne nous rajeunit pas… La chanson date de 1982. Mais, dans une certaine mesure, elle n’a pas pris une ride… Les à-priori sont tellement tenaces…
Tenez, pas plus tard que dimanche dernier, des gens du voyage -une cinquantaine de caravanes- s’installent sur un terrain de foot dans une commune limitrophe de Charleroi. L’émoi des riverains emballe les réseaux sociaux. Très vite, les autorités communales descendent sur place. D’emblée, les choses sont claires: “vous n’êtes pas les bienvenus”.
Un collège extraordinaire se tient, un communiqué officiel tombe:  les mandataires sont, je cite, heureux d’annoncer à leur population que les gens du voyage ont quitté les lieux qu’ils avaient investi la veille. On parle de succès acquis au terme d’une journée soutenue, rythmée par des réunions mêlant politiques, police et service travaux. On affirme avec fermeté l’intention de ne pas laisser les gens du voyage s’installer sur le long terme, tout en ayant privilégié le dialogue pour trouver une issue favorable pour la Commune à cette situation.
Malgré un vocabulaire apparemment respectueux, le message est clair : leur présence est un problème qu’il faut gérer, contenir, voire éliminer.
Ce contraste est révélateur. D’un côté, le cinéma donne un visage à un jeune rom et à sa famille…Plus généralement, l’art nous pousse à comprendre, à ressentir, à remettre en question nos idées reçues. De l’autre, le langage institutionnel renforce des stéréotypes : les gens du voyage sont perçus comme envahissants, indésirables, des sans nom.
Ce parallèle interroge notre manière collective de regarder ceux qui vivent autrement. Le défi est peut-être là : dépasser la peur de la différence pour entrer, comme le fait Kusturica, dans une logique d’écoute, de regard, et surtout, d’humanité.
 
 


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