Depuis des semaines, voire des mois, le monde de la culture n’avait de cesse de le répéter, il était le grand oublié du déconfinement. Mais cette fois, le dernier conseil national de sécurité a été très clair, les théâtres pourront ouvrir leurs portes le 1er juillet et commencer dès lundi prochain les répétitions. Cette annonce, si elle fait plaisir au monde du spectacle, suscite aussi pas mal d’interrogations.
Au théâtre de l’Ancre, les portes sont restées closes depuis le début du confinement au grand dam de son directeur Jean-Michel Van Den Eeyden. L’annonce de ce 3 juin a donc été un soulagement.
« on attendait des réponses claires depuis longtemps, il y a eu une évidence par rapport à l’évolution de la Pandémie et sa maitrise, mais on aurait souhaité des réponses plus claires avant, que le mot culture fasse partie du discours. C’était difficile pour le monde culturel de se sentir exclu. Ce sont quand même un millier de personnes qui travaillent dans la culture et qui pèsent énormément en terme de participation au PIB. Mais, certains l’ont peut-être découvert au cours de ce confinement ! »
Une saison théâtrale s’écoule généralement de Septembre à Juin, l’été est plutôt réservé aux festivals. L’Ancre ne fait pas exception à la règle, toutefois, la tradition à la rue de Montigny est de proposer une « opening party ». Cette fois, le théâtre assurera la fin de saison avec une surprise en juillet, histoire de permettre à ses spectateurs de reprendre pied petit à petit.
« Notre envie c’est d’être présent lors de la deuxième semaine de juillet avant la clôture de la saison. Mais ce ne sera pas dans la salle, parce que jouer pour moi devant 30 personnes ça ne m’intéresse pas. Nous jouerons dans la nature, dans les jardins puisque nous avons aussi redécouvert durant ce confinement, l’importance de rester connecté à la nature. »
Reprendre les répétitions, c’est redonner vie au théâtre
Pour Jean-Michel Van Den Eeyden un lieu qui ne peut plus être habité par ceux qui le font vivre, ça n’a pas de sens. Depuis hier, pourtant le théâtre est réinvesti, c’est reparti. Mais il va falloir repenser le vivre ensemble dans cet espace réduit.
« On y va par étape, une partie est restée en télétravail parce que les bâtiments sont exigus. A partir de la mi-juin par contre, on va pouvoir accueillir, une équipe carolo, les Dirty Monitor avec un projet dans la salle mais en résidence artistique avec un DJ etc… »
Surprise… Le redémarrage est donc bel et bien amorcé avec peut-être d’autres nouveautés aussi si les mesures de distanciation sociale ne changent pas d’ici septembre. La créativité est à l'oeuvre.
« Si les consignes de sécurité restent sur septembre-octobre, je chercherai à être ailleurs que dans des murs trop étroits. Economiquement, jouer pour 30 personnes ce n’est pas possible, déjà pour 100 ce n’est pas facile, mais là on ne peut pas se permettre de perdre un tiers de nos recettes. Et effectivement, le choix va se porter sur un autre espace, pour présenter le début de saison, nous cherchons, nous sommes en pourparlers »
Autre lieu, autre moeurs
Jérôme Roose est le directeur artistique de dérisoire prod, son QG c’est le théâtre poche à Charleroi, comme pour conjurer le sort, il a réalisé une petite vidéo sur Youtube pour présenter sa futur saison. Comme tous les acteurs de la vie culturelle carolo, il était devant sa télévision, mercredi dernier.
"Je ne le cache pas quand j'ai entendu le mot culture la dernière fois et quand j'ai entendu que les théâtre allaient rouvrir, j’ai versé une larme, j’ai été ému. C'est quelque chose qui fait plaisir et quand on est sensible comme moi, c'est émouvant. »
La salle du théâtre Poche, comme celle de l’Ancre, compte une centaine de places, il faudra donc réduire la jauge à 30 - 40 personnes ici aussi. Quant aux mesures de sécurité, Jérôme Roose est résigné.
« Chez nous, à partir de 30 personnes, même si ça reste juste, on est déjà rentable, le reste ce sera du bonus. Nous multiplierons probablement le nombre de représentations pour arriver au quota de notre salle avec nos abonnés. Le port du masque ce n'est pas facile, surtout lorsque l’on assiste à une comédie. Nous avons ces contraintes là, mais pour l’instant, nous sommes tellement heureux de remonter sur scène bientôt, que nous les oublions un peu. Et puis nous proposerons des masques en guise de ticket d'entrée à l'effigie du spectacle.»
La saison est finie depuis quelques mois maintenant pour le théâtre Poche et les activités d’été suspendues. Mais pour les acteurs, il est temps de se remette au travail pour préparer la rentrée.
« Bien que nous ne sachions pas reprendre le 1er juillet, nous pouvons penser à répéter. L’activité va donc redémarrer à l’intérieur du théâtre, et ça ce n’est que du bonheur. »
Le Paradis, c’est plus ça !
Du côté de l’Eden, Fabrice Laurent, le directeur qui s’est exprimé sur sa page Facebook est un peu plus mitigé au-delà de la perte financière, il ne comprend pas le sens de ces décisions.
Comment faire? Comment choisir ce fameux public de 50 personnes ? Faut-il réserver ces places à quelques privilégiés prêts à franchir le cap ? Pour le directeur du centre culturel, ce n’est pas possible d’appliquer ces mesures sans remettre en cause le sens, l’esprit et la philo de ses missions.
Dans ces conditions, l’Eden restera fermé. Le centre culturel ne sera pas pour autant à l’arrêt puisque de nouvelles formules sont déjà en gestation, comme de l’art de rue, des balades exploratoires, ou des spectacles pour les fêtes de la musique notamment dans les homes et les services résidentiels et de jeunes de la région.
Le centre culturel profitera de l’été pour se réinventer avec pourquoi pas la création de centres culturels de quartiers. Toutefois, cela ne pourra se faire seul, la culture, a besoin selon Fabrice Laurent, d’un cadre, d’une direction, d’un véritable plan de relance.