Le Docteur Marie-Jeanne Bouche est la première femme à exercer le métier de gynécologue dans la région de Charleroi. À l’obtention de son diplôme en 1975, la doctoresse n’a depuis jamais arrêté de pratiquer. Âgée aujourd’hui de 80 ans, elle fermera d’ici quelques mois la porte de son cabinet.
En 1972, Marie-Jeanne Bouche était en troisième année de formation en gynécologie, elle a été envoyée en stage à Charleroi et par la suite est devenue la première femme à pratiquer la gynécologie dans la région. 50 ans plus tard, elle pratique toujours et n’a jamais quitté le Pays Noir.
" En 1972, je suis la première, indique Marie-Jeanne Bouche, première gynécologue à Charleroi. Certaines dames font des accouchements, mais ne pratiquent pas la gynécologie. Quand je suis arrivée dans la région de Charleroi, j’étais en formation, car j’ai eu mon diplôme en 1975."
Le métier n’a cessé de se développer, d’une part avec la technologie, mais également avec les méthodes gynécologiques.
"C’est une évolution extraordinaire, lorsque j’ai commencé, nous n’avions pas d’appareils pour faire les échographies avec des images pour voir le fœtus. C’est la même chose pour les monitorings, il n’y en avait pas systématiquement à tous les accouchements."
En effet, à la maternité Reine Astrid à l’époque, pour 3.000 naissances par an, le monitoring était utilisé d’une salle à l’autre en fonction des nécessités.
Les visites gynécologiques
Pour les visites de grossesses chez le gynécologue, elles étaient les mêmes qu’actuellement, mais un examen intime était fait à chaque consultation. Par contre, il n’était pas possible de vérifier la position du bébé étant donné qu’il n’y avait pas d’écho.
"On questionnait plus la mère afin de savoir si le bébé se portait bien, confie la gynécologue. À la palpation, on sentait le nourrisson bouger. C’est en 1974 seulement que nous avons commencé à surveiller les mouvements fœtaux et la quantité de liquide, mais c’était très relatif."
Les accouchements
Les accouchements sont similaires à ceux de l’époque, ça reste un acte physiologique naturel. Cependant, les accoucheurs partaient vers l’inconnu, il n’y avait pas la possibilité de savoir si le bébé était bien positionné.
"On partait un peu à l’aventure, il n’y avait aucune possibilité de savoir si le petit se présentait par la tête ou en siège. Néanmoins, certains gynécologues arrivaient uniquement avec la palpation, à connaitre la posture du bébé."
L’avortement
L’I.V.G. était un acte illégal encore dans les années 1970, c’est seulement en 1989 que l’avortement faisait l’objet d’une dépénalisation. L’avortement était un geste fréquent, mais discret à Charleroi, lorsque Marie-Jeanne Bouche a commencé à pratiquer.
"L’avortement était interdit, mais il était plus courant qu’on ne le croit, on était sans doute plus discret. De nombreuses femmes venaient avec des fausses couches, nous ne pouvions pas les accuser de faire quelque chose de mal. L’objectif premier pour nous, les médecins étaient d’aider ces dames qui souffraient. Et puis, en 1973, on ne pratiquait pas encore l’avortement chirurgical par aspiration, nous devions donc interrompre la grossesse avec le curetage, un acte douloureux qui provoque un saignement abondant."
Il ne faut pas oublier que la contraception dans les années 1970 était un sujet tabou. Les jeunes femmes n’osaient pas demander une plaquette de pilules aussi facilement aux praticiens ou gynécologues.
La gynécologie en planning familial
La doctoresse a également œuvré dans différents plannings familiaux de la région.
"J’ai bien aimé travailler dans les plannings familiaux, c’est différent de l’hôpital. Ce sont des personnes extraordinaires et il ne faut pas croire que dans les plannings nous avons que des patientes qui arrivent pour un avortement. On voit souvent de très jeunes filles qui viennent chercher une information, c’est en quelque sorte de la prévention."
Des rencontres inoubliables
En 50 ans de carrière, Marie Jeanne Bouche a fait des rencontres merveilleuses.
"Ce qui fait plaisir, c’est de retrouver des femmes qui demandent si je me souviens de leur mère. Récemment, j’ai eu une jeune fille que me racontait l’accouchement de sa maman, elle avait enfanté prématurément, le bébé a dû rester trois mois en néonatale, et devant vous, vous avez cette jeune femme de 20 ans qui vient chercher une prescription de pilule, c’est merveilleux ! "
Bientôt la fin de sa carrière...
La gynécologue compte désormais ces derniers mois de travail, en juin, elle fermera définitivement la porte de son bureau…
"Pour plusieurs raisons, je suis un peu fatiguée, j’ai de plus en plus de problèmes pour me mobiliser. J’ai peur de me tromper aussi et de faire une erreur, les médicaments ne cessent de changer et de temps en temps, j’hésite sur ce que je dois prescrire. Et puis, je crois qu’un jour il faut quand même arrêter … "
Clara Declercq