Une plateforme de soutien pour le personnel soignant a été lancé sur le net par Fanny Weytens, docteur en psychologie et initiatrice de Psyformed.com. La psychologue bruxelloise a réuni 400 psychologues sur sa plateforme et tire le même constat que les professionnels que nous avons contactés.
Anne Cosyn travaille comme psychologue clinicienne d’orientation psychanalytique et superviseuse au sein d'une équipe médicale et elle assiste des collègues médecins, kiné et autres. Michel Delbrouck, travaille à Charleroi, il est l'auteur d'une livre intitulé "le burn-out des soignants". Il est aussi superviseur de psychologues en lien direct avec le monde médical.
Pour Anne Cosyn qui est originaire de Charleroi, mais qui travaille actuellement sur Bruxelles :
« nous n'avons pas beaucoup de recul, la semaine dernière a été une semaine de grand chamboulement, nous sommes dans l’urgence sans avoir de recul par rapport à ça. Ce que nous pouvons espérer c’est que l’urgence mobilise les équipes soignantes du côté de la créativité. De ce qui peut émerger de nouveau par rapport à quelque chose d’inconnu. »
Michel Delbrouck (en vidéo) ne dit pas autre chose, pour lui, les médecins, infirmier.e.s et tout les autres, ont le nez dans le guidon.
"lls sont en contact avec le manque de matériel, face à leur propre survie, leur propres peurs et angoisses, mais aussi face à l’angoisse des patients. Ce qui me parait important, pour les psychothérapeutes, c’est de garder la solidarité et la santé physique et psychique du soignant, de renforcer le moi professionnel et personnel du soignant. Ils ont besoin d’être soutenu encadrés coachés. Il faut les aider face aux angoisses de leurs patients et leurs propres angoisses."
Michel Delbrouck salue d'ailleurs l'initiative de Fanny Weytens. Il conseille à tout un chacun qui se trouve en première ligne d'être dans un saine vigilance et de se concentrer sur l'essentiel, non pas à faire fi de son agitation intérieure.
Il y aura un après !
Suite à l'élan d'applaudissements et d'encouragement lancé au sein de la population, une question revient de plus en plus souvent chez le personnel soignant et dans la presse. Une question très optimiste au final, Et après ? Car oui forcément, il y aura un après. Nos deux spécialistes sont au moins d'accord sur un point, il faudra tirer les conséquences de tout ceci, pour Anne Cosyn :
"j’ai entendu auprès des collègues que le fait que le personnel soignant soit soutenu (par les applaudissements), ils y sont très sensibles et c’est très important. Mais ce que j’ai entendu aussi, c’est que l’état du système de santé en Belgique est en grande difficulté. Finalement, notre système hospitalier subit les effets d’une logique comptable et économique où la préoccupation pour l’humain est de plus en plus lointaine, la logique du chiffre ayant pris le dessus. Il faudra s’en souvenir ! je pense que le souhait des soignants est surtout que les encouragements de la population, ne soit pas juste un effet ponctuel à la crise que nous traversons. Il faudra qu'il y ait des suites, et notamment dans les urnes. Les gens devront se souvenir des priorités. Et cela circule de plus en plus entre nous."
Michel Delbouck insistera plutôt sur l'urgence qu'il y a à s'occuper des urgentistes de tout bord :
"Je pense que ce n'est pas l'habitude pour les soignants d'être écoutés, soutenus et coachés. Je m'occupe de soignants depuis plus de 40 ans, je suis effaré quand j'entends que ni les policiers, les ambulanciers, les urgentistes n'ont aucun moment pour pouvoir partager leur désarroi par rapport aux situations parfois catastrophiques qu'ils rencontrent. Dans l'après-coup, nous pourrions préparer ça, mais naturellement il faut dépenser de l'argent pour ça !"
Un numéro vert pour le personnel du Grand Hôpital de Charleroi
Dès ce 24 mars, la direction des ressources humaines du GHDC a mis en place une cellule d’aide psychologique et d’entraide, avec deux axes : le soutien psychologique de tout le personnel et la réaffectation du personnel dans les services à grands besoins.
Le premier axe offrira un numéro vert aux soignants où ils pourront dans un premier temps exprimer leurs besoins ou formuler une demande. Et ce simple appel pourra sans doute en aider plus d'un. Si cela n'est pas suffisant, le demandeur pourra être renvoyé vers des personnes plus habilitées à répondre. Des psychologues de l'institution ou des aidants.
Numéro vert sera accessible de 8h à 22h, 7/7.
Une cellule plus technique sera également mise en place pour la relocalisation du personnel excédent. Les services qui se retrouvent à l'arrêt suite aux restrictions dictées par le gouvernement fédéral.
Ces deux cellules évalueront les besoins au jour le jour.