Le suicide reste un sujet bien trop tabou dans notre société. La prévention et la sensibilisation manquent, surtout auprès des élèves et des parents. Une constatation de Nadège Bodart et Jean-Louis Tasiaux, qui ont dû faire face à l'impensable: le suicide de leur fille Lucie, âgée de 12 ans.
Nadège Bodart et Jean-Louis Tasiaux sont les heureux parents de trois enfants. Le 18 novembre 2021, ils ont vécu une tragédie inimaginable : leur fille cadette, Lucie, âgée de 12 ans, s'est suicidée dans l'abri de jardin familial.
"Il y a trois ans, Lucie a pris une mauvaise décision, confie Jean-Louis Tasiaux, son papa. Nous n'avons rien vu venir. Lucie semblait aller très bien, elle souriait toujours et vivait dans une famille aimante. Nous n’avons rien vu venir… "
Un sourire qui masquait une grande souffrance
"Lucie était une petite fille tellement solaire, raconte sa maman, Nadège Bodart. On se disait souvent que nous avions bien choisi son prénom. Deux mois avant son suicide, elle a commencé à traverser des phases plus sombres. J'en ai parlé avec elle, et depuis, plus aucun de ses comportements ne semblait alarmant. D'ailleurs, le matin du 18 novembre, elle s'est levée plus tôt et a essayé plusieurs tenues pour sa journée à l'école. Vers 6h30, nous avons déjeuné ensemble, et elle m'a demandé la permission d'aller jouer dehors. Je me suis inquiétée parce qu'il faisait encore noir, donc je lui ai interdit de sortir dans la rue. On pense toujours à la sécurité routière ou aux enlèvements. Lucie m'a simplement dit qu'elle irait jouer dans le jardin. Je me souviens encore d'elle, me faisant signe avec son beau sourire, à travers la fenêtre de la cuisine. Avant de partir travailler, je lui ai dit que je viendrais la chercher à l'école et que nous nous reverrions le soir. Mais en réalité, elle est allée se suicider dans l'abri de jardin. Quelques jours plus tard, nous avons découvert une lettre qu'elle nous avait laissée, expliquant son geste. Elle souffrait de "dépression souriante" et avait fait des recherches sur Internet, du haut de ses 12 ans. Elle disait que nous ne pouvions pas voir à quel point elle souffrait derrière son sourire."
Briser le tabou du suicide
Depuis ce jour tragique, le couple a pour mission de casser les tabous autour du suicide.
"La prévention n’est pas suffisamment présente, et je pense qu’il y a un grand travail à faire pour éviter de nombreux suicides chez les jeunes, raconte Jean-Louis Tasiaux. Nos réseaux sociaux sont désormais remplis de publications de prévention. Avant, nous postions des photos de vacances, maintenant, ce sont des messages de sensibilisation au suicide. "
"S'il y avait eu plus de prévention il y a trois ans, je pense que Lucie ne serait pas morte, confie Nadège Bodart. Nous aurions été plus attentifs. Vous n’imaginez pas les chocs post-traumatiques que cela engendre. J'ai encore beaucoup de mal à les gérer. Je ne supporte plus de voir mon reflet dans une vitre, je ferme systématiquement les rideaux lorsqu'il commence à faire sombre. Je ne suis plus capable de conduire, car j'ai appris la nouvelle un matin en partant travailler, dans ma voiture. Et entendre un téléphone connecté au Bluetooth me plonge dans l’horreur, car mon mari m’avait appelé, et son appel résonnait dans l'habitacle de la voiture."
Une réalité alarmante chez les jeunes
En Belgique, plus d'un décès sur quatre dans la tranche d'âge 15-24 ans est dû à un suicide. Ce chiffre alarmant montre l'urgence de renforcer les actions de prévention et de sensibilisation.