Le 1er conseil communal 2025 a à nouveau débuté par une action syndicale, en front commun. Des représentants et travailleurs étaient présents afin d’exprimer leurs inquiétudes quant à la convention du gouvernement wallon approuvée lors du dernier conseil.
Pour rappel, cette convention a pour but d’aider financièrement Charleroi. Le Centre régional d'aide aux communes (CRAC) prêtera environ 110 millions à la Ville, sous certaines conditions, notamment la fin de la statutarisation du personnel communal, la réduction des cabinets scabinaux de 15%, le remplacement des policiers par des gardiens de la paix, etc.
Les syndicats verts, rouges et bleus craignent ces mesures et leurs impacts sur les services publics et leurs travailleurs.
Cette convention pourrait devenir une arme redoutable pour les services publics, indique Monia Benslama, la secrétaire régionale de la CSC Charleroi Sambre et Meuse. Un service public n’est pas fait pour être rentable ! Ces services doivent disposer de suffisamment de ressources financières pour assurer leurs missions pour tous.
Les syndicats avaient pour but d’analyser le plan « oxygène » de la région, qu’ils surnomment « plan asphyxie ».
À chaque crise, on va dans les poches des travailleurs et des services publics, regrette Philippe Barbion, président de la FGTB Charleroi-Thuin. Un jour, on ne sera plus un service public, mais un service AU public, c’est-à-dire garanti uniquement à ceux qui pourront payer !
La convention prévoit par exemple de ne remplacer que 5 travailleurs sur 10 départs au sein des services.
Symboliquement, ces travailleurs deviennent blancs : dans quelques semaines ils vont disparaitre. Regardez dans la salle ce que ça représente : certains travailleurs sont vêtus de blancs. Et ils sont nombreux !
Les syndicats ont indiqué qu’en fonction des mesures prises dans le plan de gestion, ils n’hésiteront pas à revenir lors des prochains conseils.
MR-CI répond et s’attire les foudres
Du côté de MR-IC, ce n’est pas le chef de groupe Anthony Dufrane qui a pris la parole, mais à nouveau Denis Ducarme. Ce conseiller avait indiqué lors du précédent conseil qu’il ne souhaitait pas que chaque séance débute par une prise de parole des syndicats. Et pourtant.
Je suis attaché à la liberté syndicale, mais… Je risque de me faire encore huer, mais sur moi ça a un effet enthousiasmant, et j’espère que cette fois, madame la présidente, vous ferez appliquer le règlement. Mais, c’est le deuxième conseil communal qui débute par une prise de parole ! Et c’est la dernière fois que j’assiste à ça. Si à la troisième séance, il y a encore une prise de parole, je quitterai la salle, car ce n’est pas la place d’un conseil communal de voir des syndicats s’exprimer contre le gouvernement wallon.
Denis Ducarme a notamment regretté que, comme le prévoit le règlement, on n’attende pas la fin du conseil pour permettre cette prise de parole.
À situation exceptionnelle, prise de parole exceptionnelle, a répondu la présidente Nathalie Monforti (PS). Ça ne sera pas à tous les conseils. Mais la prise de parole était respectueuse, ça aurait par contre été irrespectueux d’attendre la fin, quand tout le monde est fatigué et que certains sont partis.
Le conseiller MR-IC a trouvé que la présidente « faisait passer les syndicats avant les citoyens ». Les travailleurs dans la salle n’ont pas manqué de rappeler qu’ils sont également des citoyens.
Les autres partis répondent à leur tour
Pauline Boninsegna, conseillère et cheffe de groupe PTB, a répondu à son tour, tout d’abord à Denis Ducarme :
Des personnes prennent la peine de nous interpeller sur les services communaux, et vous lancer un débat hors sujet.
La cheffe de groupe s’est ensuite rangée du côté des syndicats, dénonçant également que les mesures de la convention vont à l’encontre de l’essence même des services communaux. Isabella Greco, conseillère et cheffe de groupe PS, a ensuite à son tour répondu aux travailleurs, narguant Denis Ducarme :
Chers syndicats, vous êtes ici chez vous, soyez les bienvenus. J’espère que vous avez bien pris note de l’invitation pour le prochain conseil communal ! Oui, il y a de quoi être inquiet. Je crois qu’on peut faire des choix autrement.
Le conseiller Yassine Bouhafa (PS), a également pris la parole demandant à Denis Ducarme de prendre ses responsabilités. Le libéral a, lui, rappeler au PS qu’il siège à Charleroi avec Les Engagés, également aux manoeuvres du gouvernement wallon. Manon Choël, conseillère et cheffe de groupe Les Engagés, a indiqué que son groupe resterait attentif au niveau local pour agir au mieux.
La réponse du bourgmestre
Thomas Dermine (PS) a clôturé cette avant-séance en rappelant que le conseil communal reste un lieu d’expression de la démocratie où les citoyens peuvent s’exprimer.
Concernant la convention, nous avons 2 obligations de résultats tels que la fin du statut. Nous avons pu faire passer la vague de nominations de décembre. Mais sans vous mentir, ça sera compliqué pour la suite, le gouvernement y est totalement fermé.
Le bourgmestre a également précisé que la seconde obligation était le retour à l’équilibre. Et que la convention propose des pistes, auxquelles la Ville peut déroger si elle compense par d'autres mesures, ce qu’elle compte faire.
Nous ne mettrons pas en œuvre toutes les conditions. Notamment, nous maintiendrons le niveau du service public (pas tout au prix coûtant), pas de licenciements secs au sein de l’administration, et nous voulons maintenir l’attractivité (ce qui passe notamment par le maintien des policiers).
Des mesures imposées comme à Verviers ?
Pendant la séance du conseil communal, le débat s’est poursuivi puisque le sujet est revenu sur la table. Pauline Boninsegna a questionné à nouveau le collège sur la convention, mettant en avant la situation de Verviers : la Ville a été obligée de supprimer l’heure de stationnement gratuite (en place pour soutenir les commerces locaux), car le gouvernement wallon a estimé que la mesure n'était ni justifiée ni compensée.
À Charleroi, plusieurs mesures touchent directement la vie des Carolos : la gratuité des garderies scolaires, la mise à disposition gratuite de locaux pour les associations, la gratuité partielle dans certains parkings. Alors, ces mesures risquent-elles d'être remises en question par des exigences du CRAC ou des discussions avec le ministre ? Et quelles décisions communales restent sous notre seule responsabilité ?
Je pensais que le gouvernement avait d’autres ambitions que de supprimer le parking gratuit, mais soit, répond le bourgmestre. On risque d’avoir des tensions et des obligations liées à cette convention. Concernant le parking, nous nous sommes engagés, mais le débat pourrait arriver.
Le bourgmestre a indiqué que la Ville est dans un processus de chiffrage, qui débouchera sur des mesures à prendre.
Certaines mesures de la convention sont insensées par rapport aux enjeux de Charleroi, nous y veillerons.
Pauline Boninsegna a rappelé le caractère inquiétant de la situation.
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