Dans une carte blanche de nos collègues du journal Le Soir ce samedi, un collectif de médecins et travailleurs du secteur hospitalier adresse une lettre ouverte aux décideurs et gestionnaires politiques de la crise Covid-19. Et son intitulé est pour le moins interpellant :
«Il faut préparer les hôpitaux à faire face à une seconde vague d’épidémie de Covid-19».
Ces travailleurs et spécialistes du milieu médical regrettent que les recommandations soient émises sans logique entre elles et reposent sur d’hypothétiques moyens supplémentaires, de manière incohérente et non concertée. Ils mettent également en garde : un déconfinement mal géré mènera inévitablement à une seconde vague de l’épidémie.
Comme le précisait hier soir la Première ministre Sophie Wilmès, c'est la première fois que la Belgique doit faire face à une procédure de déconfinement dans son histoire. Il y a donc beaucoup d'interrogations à ce sujet. Et la plupart des échéances annoncées sont à mettre au conditionnel. Cela dépend de l'évolution de l'épidémie dans les prochains jours. Elle en appelle également toujours à la responsabilité de chacun, notamment en matière de gestes barrière et de respect de toutes les mesures. Ce nouveau cri d'alerte du milieu médical fera-t-il encore changer les choses dans les jours à venir ? Affaire à suivre, attentivement...
Voici, en détails, le contenu de cette lettre :
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes une nouvelle fois interpellés par l’annonce de décisions non concertées avec les acteurs de terrain qui mettent en difficulté tant la prise en charge des patients que les professionnels et les ressources disponibles.
Pénurie à tous les niveaux
Depuis le début de cette crise sanitaire, nous devons gérer la pénurie : pénurie de matériel de protection, pénurie de réactifs, pénurie de matériel à usage unique, pénurie de médicaments. Les hôpitaux font face à ces pénuries avec beaucoup de créativité. Certains ont anticipé, d’autres s’engagent dans du recyclage, d’autres encore déploient d’importants efforts pour dénicher un peu de matériel là où cela s’avère encore possible. Par ailleurs, certains hôpitaux soucieux de la sécurité de leur personnel effectuent à leurs frais des tests de conformité de ce matériel y compris lorsque celui-ci est fourni par les autorités.
Un processus peu transparent
Alors que nous avons tous besoin d’une stratégie de santé publique cohérente, claire et concertée, définissant les priorités à mettre en œuvre en situation de pénurie, nous constatons que des recommandations sont émises sans logique entre elles, reposant sur d’hypothétiques moyens supplémentaires, de manière incohérente et non concertée. Le processus même de rédaction de ces recommandations est par ailleurs très peu transparent : Quels sont les mandats du Comité Scientifique, du RAG et du RMG ? Quels sont les processus de décisions ? Comment les moyens sont-ils alloués pour être en cohérence avec les recommandations scientifiques ?
La récente annonce dans la presse de tester par PCR toute personne nécessitant une hospitalisation, avant même d’être publiée sur le site de Sciensano et sans tenir compte des contraintes des hôpitaux, en est un nouvel exemple particulièrement regrettable.
La situation reste préoccupante
Par ailleurs, il nous semble tout à fait prématuré d’annoncer la fin d’un confinement total et un retour progressif aux activités normales dans les hôpitaux. Nombre d’hôpitaux accueillent encore un très grand nombre de patients Covid-19, la situation reste très préoccupante dans les MRS et nous observons déjà, alors que le confinement n’est pas levé, un relâchement des précautions prises par la population. En outre, une seconde vague semble très probable et il est essentiel de se donner tous les moyens pour la contenir au mieux.
Il nous semble dès lors urgent :
1. De redéfinir le processus rédactionnel et décisionnel des recommandations scientifiques, en collaboration, en toute transparence et en tenant compte des réalités des professionnels sur le terrain dans toutes les spécialités concernées (par exemple, en fonction des sujets : médecine générale, médecine interne générale et infectiologie, pneumologie, gériatrie, biologie clinique, hygiène hospitalière, médecine d’urgence, soins intensifs, médecine du travail) ;
2. D’améliorer la stratégie de communication en informant PRIORITAIREMENT le secteur professionnel concerné avant tout autre acteur public ;
3. De maintenir une capacité de prise en charge de patients nécessitant des soins hospitaliers ne pouvant être reportés tout en veillant à préserver toutes les ressources humaines et matérielles nécessaires pendant au moins 3 à 4 semaines après le relâchement des mesures actuelles pour être prêts à faire face à une seconde vague.
Nous vous remercions d’avance, Mesdames les Ministres, Monsieur le Ministre, Chères Consœurs, Chers Confrères, Mesdames, Messieurs, pour toute l’attention et la suite rapide que vous réserverez à la présente.