Autrice plutôt qu'auteure, vainqueuse plutôt que vainqueure, termes épicènes, point médian... Le Conseil de la langue française publie ses recommandations pour une communication officielle non discriminatoire quant au genre, résumées dans un guide pratique "Quand dire, c'est inclure".
La Fédération Wallonie-Bruxelles a adopté en 2021 un décret pour rendre les communications officielles ou formelles moins discriminatoires quant au genre. Il s'agit de mieux visibiliser les femmes dans la langue, mais aussi d'éviter de discriminer les personnes non binaires par exemple. L'arrêté d'exécution du décret, publié en août 2022, chargeait le Conseil des langues et des politiques linguistiques d'élaborer les règles à ce sujet.
En est né un guide pratique, "Quand dire, c'est inclure", pour accompagner le parlement, le gouvernement et leurs services respectifs, les organes d'avis, les communes, provinces, et autres institutions reconnues ou subventionnées par la Fédération dans leur communication. Sont visés les actes normatifs, les circulaires, les communications écrites et orales ainsi que les offres et demandes d'emploi.
Long de plus de 90 pages, ce guide aborde une série de techniques pour rendre la communication moins discriminatoire quant au genre. Trois cas sont distingués : la désignation de femmes, la désignation de groupes mixtes (hommes et femmes), les accords et les pronoms lorsqu'on parle de groupes mixtes.
La féminisation des noms de profession, l'utilisation de doublets (citoyennes et citoyens par exemple), l'usage de termes épicènes (identiques selon le genre, comme un ou une psychologue), la forme passive... font ainsi partie des techniques passées en revue.
Le Conseil de la langue française recommande ainsi d'éviter de féminiser à outrance en ajoutant la lettre "e", une "formulation (qui) implique l'idée d'une subordination : le féminin apparaît comme dérivé et secondaire, et le masculin comme premier". Une lettre en outre souvent muette, passant sous silence la féminisation. Lorsque plusieurs formes féminines existent, le guide préconise ainsi d'opter pour "la forme la plus visible (à l'écrit) ou la plus audible (à l'oral)". Il s'agit dès lors d'employer judokate plutôt que judoka, vainqueuse au lieu de vainqueure, poétesse plutôt que poète ou encore traiteuse au lieu de traiteure.
"C'est par la force de l'habitude et de l'usage que les mots nouveaux ou nouvellement formés perdent ce qui pourrait apparaître comme une incongruité liée à la nouveauté", rassure le guide pour celles et ceux effrayés par ces termes. "Si on a d'abord pu rire des plombières, des cafetières et des cuisinières, c'est parce que le rapport à l'objet provoquait un rejet pour cause d'ambigüité. Un tel rejet n'a pas pour autant frappé les avocats, dont la profession semble s'accommoder sans problème de l'homonymie avec un fruit", pointe le document. "L'usage remédiera donc à l'incongruité passagère pouvant être perçue pour les entraineuses sportives et les ingénieuses agronomes, comme il le fit pour les autrices, terme qui exista lexicalement il y a plusieurs siècles avant d'être rapidement abandonné, puis revitalisé il y a peu, en remplacement d'auteures à la féminité peu audible."
Le guide formule des recommandations et non des obligations, le président du Conseil Dan Van Raemdonck insistant en préambule "sur l'importance de laisser aux usagères et usagers de la langue la liberté qui est la leur". Il préconise également de ne pas sanctionner certaines formes, même si elles ne reflètent pas un consensus d'usage. C'est notamment le cas de l'accord de proximité, utilisé au Moyen Âge, selon lequel l'accord se fait avec le nom le plus proche de l'adjectif. Par exemple, "les acteurs et les actrices connues".
Ce guide est disponible via ce lien: http://www.languefrancaise.cfwb.be/index.php?id=16744