Le vrac a plus que jamais la côte malgré la crise du Coronavirus. Comme le bio, il a suscité un plus grand intérêt des consommateurs mais dans de moindres proportions. Néanmoins, de nouveaux clients se sont tournés vers ce mode de consommation. A Charleroi, dans le centre-ville, Vrakstore ferme pourtant ses portes. Un départ annoncé avant la crise tandis qu'un nouveau magasin s'installe dans le zoning commercial de Châtelineau.
Day by day c’est un concept français mis sur pied par David Sutrat et Didier Onraita. Deux entrepreneurs issus du marketing, de la vente et de la distribution qui ont voulu donner du sens à leur profession. Ils ont donc créé en 2013 un premier magasin en vrac à Meudon en France, aujourd’hui il possède 62 enseignes, deux en Belgique dont une à Châtelineau.
« Jusque là, nous avons installé nos magasins plutôt en centre ville, dans des rues commerçantes des grandes villes et nous nous sommes aperçus en France en tout cas que seulement 1/3 des populations vivent dans les villes. Cela veut dire qu' ailleurs il n’y a pas de solution pour acheter en Vrac. Nous avons donc eu l’idée de nous installer là où les consommateurs font leurs courses, c’est-à-dire en super et hyper marchés. »
Le vrac une histoire de conviction
Une première collaboration avec le groupe Cora a été menée en France en 2019, une opération réussie qui a poussé David Sutrat à traverser la frontière.
« Le marché du Vrac est en très forte croissance depuis 2013, il a été multiplié par 12, toujours en France. On aurait pu se poser la question durant la crise du Covid d’une certaine méfiance des consommateurs. Nous avons donc multiplié les précautions et la distribution a pu se faire presque normalement. Il y a eu l’effet de filtrage bien sûr dans des magasins assez petits, mais il n’y a pas eu de baisse d’activité ou presque. »
Si le vrac n’a pas connu le même succès que le bio pendant la pandémie, de nouveaux clients ont néanmoins poussé la porte des magasins de David Sutrat. Et pour cause, le magasin propose une large gamme de produits labellisés bio ou issus de la production locale.
« Notre ADN c’est d’abord de réduire les déchets, au-delà de ça on ne peut pas imaginer que notre choix de limiter le gaspillage et les emballages ne soit pas associé à un choix de produits plus « positifs ». Le Bio fait partie de ce positionnement avec 25% de notre offre, mais nous privilégeons aussi le circuit court avec des producteurs labellisés ou non. Nous sommes attentifs à leurs méthodes et au respect des saisons. Nous voulons aussi lutter contre cette sorte d'esclavagisme moderne présent dans la production industrielle ».
Un magasin en chasse un autre
Un magasin en vrac arrive, un autre s’en va, sans lien de cause à effet entre les deux bien sûr ! Mais pour Vrak’store situé au pied de la rue de la montagne au centre ville, l’aventure s’arrête. Delphine Lebon, la patronne y a mis beaucoup d’énergie, mais la crise est aussi passée par là.
« A Charleroi je ferme complètement. Plusieurs facteurs ont influencé ma décision, la crise n’a rien facilité, mais c’est surtout l’emplacement qui n’était pas bon. L’idée de redynamiser la rue de la montagne est une bonne idée, mais lors de l’appel à projet nous étions 10 et finalement, je suis seule à avoir tenté ce pari un peu fou, ce n’était pas viable."
Et pourtant, le concept fonctionnait bien, beaucoup de clients étaient contents de pouvoir venir s’approvisionner au centre ville. Ce magasin véritable copié-collé de celui que possède Delphine à Marienbourg n’a pourtant jamais vraiment décollé.
« J’ai demandé à la ville de permettre une sorte de kiss and drive devant mon magasin sans succès. je ne demandais pas la lune, deux places de parking avec un système de validation pour aider les gens à faire leurs courses. Par contre, je ne compte plus le nombre de PV reçus lorsque je venais décharger des marchandises. J’ai demandé un fléchage depuis Rive Gauche pour amener la clientèle, je n’ai rien eu. J’ai demandé de pouvoir mettre des bacs aussi devant mon magasin, j’ai eu un oui officieux, mais jamais rien d’officiel. »
Delphine s’est aussi investie dans un bâtiment pourtant proche du délabrement. Le bâtiment qu’elle occupait appartient à des néerlandophones peu soucieux du développement commercial de la ville de Charleroi. Confiante dans le potentiel de cette rue, elle y a mis beaucoup de bonne volonté, mais aujourd’hui elle a dû faire un choix pour protéger ses autres commerces et ne pas y laisser sa santé en prime.
« La rue est pleine de vagabonds, de chiens et de graffitis, ça n’attire pas la clientèle forcément. J’ai également demandé à pouvoir bénéficier d’une réduction de loyer supplémentaire de 6 mois pour encore essayer, cela m’a aussi été refusé. Je jette l’éponge. Et si Paul Magnette ne fait rien pour la rue de la montagne, le commerce au centre ville, ça ne marchera plus jamais. Les gens qui passent devant chez moi, sont des gens qui descendent de la ville haute pour aller chez Primark.
Le départ de Vrak’store et l’échec du game center dans l'ancien H&M sont de mauvais signaux pour la ville basse et son développement. A l’heure où la ville annonce 10 millions d’investissement pour relancer l’économie, Delphine tire un constat :
"L’administration est faite de très bons techniciens, mais pas de gens de terrain."
C’est donc sans rancoeur, mais fasse à cet échec que Delphine s’en retourne dans ses campagnes couvinoises pour continuer une activité qui là-bas a traversé la crise sanitaire sans soucis.