Des chercheurs de l’UMONS ont mené une deuxième enquête. Celle-ci démontre l’impact de la crise sanitaire sur les pratiques pédagogiques des enseignants de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle révèle également une amplification des inégalités scolaires
Des chercheurs de l’Ecole de Formation des Enseignants et de l’Institut d’Administration Scolaire de l’Université de Mons (UMONS) ont interrogé près de 1.000 enseignants et enseignantes de l’enseignement maternel, primaire et secondaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles sur les pratiques qu’ils ont mises en œuvre au sein de leurs classes depuis la rentrée scolaire 2020-2021, indique l’UMons dans un communiqué.
Elle s’est déroulée en ligne du 30 septembre 2020 au 7 novembre 2020. « Nous avons attendu que la rentrée soit passée et que les professeurs aient retrouvé leurs élèves pour débuter l’enquête », indique Natacha Duroisin, Professeure à l’Ecole de Formation des Enseignants de l’UMons
Le présentiel privilégié malgré les difficultés
« Ce qui ressort premièrement de cette enquête, c’est que le retour des cours en présentiel était très attendu par une très grande majorité des enseignants », explique Natacha Duroisin. Les professeurs avaient plus que hâte de retrouver leurs élèves. « Mais la majorité nous dit avoir ressenti des contraintes face au port du masque.»
Les enseignants devaient en effet porter un masque, et assurer le maintien des distances. « La distanciation a été mise en œuvre quand cela a été possible. Mais ils ont été nombreux à nous dire que malgré les précautions qu’ils voulaient prendre, ils étaient rattrapés par la réalité du terrain.» Un problème remarqué tant en maternelle que dans le secondaire.
Cette rentrée en présentiel a été toute une organisation. Chacun s’y était préparé différemment. « 57,6% nous ont dit avoir opté pour un changement lors de cette rentrée par rapport aux années précédentes. Et pour 42,4% des répondants, il n’y a pas eu de changements.» Les changements opérés ont été divers: « des enseignants ont mis en place la différenciation pédagogique, d’autres ont travaillé par petits groupes, certains en utilisant des dossiers autonomes pendant qu’ils travaillaient avec d’autres élèves», affirme Natacha Duroisin.
Le numérique intègre le quotidien de certain
Depuis le premier confinement, le numérique est presque inévitablement entré dans le quotidien des écoles. Mais lors du retour en présentiel, 57,6% des enseignants ont décidé de ne plus utiliser d’outils numériques. « Il y a plusieurs raisons qui expliquent cela. Premièrement, le coût en termes de temps, ensuite 10% d’entre eux n’en voyaient plus l’utilité, d’autres ne se sentaient pas assez à l’aise. Et enfin, certains n’ont pas trouvé l’expérience concluante lors du confinement, ni pour eux, ni pour les élèves. »
Du côté des étudiants, les professeurs affirment qu’ils ne s’y connaissent pas autant qu’on ne peut le penser. «On a l’idée que les jeunes utilisent bien les technologies, mais ce n’est pas toujours le cas. Oui, ils les utilisent mais surtout à des fins récréatives et moins à des fins d’enseignements et d’apprentissages.»
Les enseignants sous pression
Outre ces problèmes technologiques ou de présentiel, les enseignants subissent une certaine pression. « C’est vrai qu’on leur en a demandé beaucoup depuis le premier confinement: cours à distance, adaptation, … Et dès la rentrée, ils ont dû composer avec les différentes mesures à faire respecter, les retards à rattraper, des élèves qui avaient disparu et qu’ils ont dû remotiver, … », explique Natacha Duroisin. 52,4 % d’entre eux ressentent d’ailleurs une pression due à un éventuel retard dans les programmes scolaires.
Et ce retard à rattraper a été une des priorités des enseignants lors de la rentrée. «Ils ont travaillé de manière prioritaire sur les différents apprentissages, et surtout ils ont fait leur possible pour remotiver leurs élèves. Ça a été la top priorité.»
De lourds impacts pour les étudiants
L’étude ne portait pas directement sur les étudiants, mais les enseignants en ont bien évidemment parlé. « Les enseignants nous avaient fait part, lors de la première enquête, de leur crainte d’une augmentation des inégalités scolaires. Ici véritablement, elles ont été exacerbées. » Pour plus de 90% d’entre eux, ces inégalités se sont amplifiées durant la période de confinement. Et pour plus de 53% des enseignants, il y a eu un écart entre les élèves plus faibles et les élèves plus forts. « Mais en ce début d’année, 20% n’avaient pas encore pu percevoir si cet écart allait se confirmer ou pas. Donc il est possible que les chiffres augmentent », redoute la professeure.
Cette deuxième enquête est proposée quelques mois seulement après la première. L’idée est d’effectuer un état des lieux assez régulier de la situation au niveau des pratiques des enseignants en FWB. « On espère mener une troisième enquête dans le courant de cette année. Rien n’est encore fait, nous n’avons pour le moment aucun subside pour la réaliser. Mais je crois qu’il y a un réel intérêt à poursuivre cela », conclut Natacha Duroisin.
Le rapport de recherche complet sera disponible dès le 07 janvier sur le site www.capte.be