Depuis l'annonce de la libération sans conditions de Michelle Martin ce vendredi, c'est un énième déferlement de haine auquel on assiste sur des réseaux sociaux qui deviennent de plus en plus des vomitorium à ciel ouvert.
Les commentaires sont simplement sidérants. Et donnent hélas raison une fois de plus à Albert Einstein qui disait : "Deux choses sont infinies : l'Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l'Univers, je n'en ai pas encore acquis la certitude absolue."
Il est en effet désolant, et par ailleurs démocratiquement inquiétant, qu'une frange non négligeable de la population considère sans vergogne qu'il peut y avoir plusieurs justices et que la Justice en tant que telle, devrait pouvoir s'appliquer de manière différente en fonction des coupables concernés. Certains n'hésitant pas non plus à appeler à l'application d'une Justice populaire radicale en cas de "manquement" de l'appareil judiciaire.
Mais soyons très clairs : la Justice et son institution sont le pilier central d'une société démocratique. Elle est parfois mal rendue. Parce qu'humaine. Et les lois peuvent être imparfaites, voire mauvaises. Mais au moins peut-on compter sur l'égalité de traitement pour tous qui est un des socles de l'équilibre social et du vivre ensemble.
Le cas de Michelle Martin est particulièrement révélateur et cet état d'esprit nauséabond qui voudrait que la Justice fût rendue à la carte, pour ne pas dire à la tête du client: incarcérée en 1996, Martin a été condamnée en 2004 pour des faits atroces que, bien évidemment personne ne nie. En 2012, elle fut libérée sous conditions après avoir donc purgé plus de la moitié de sa peine comme la loi en prévoit la possibilité.
Cette libération conditionnelle, Michelle y avait donc droit, comme n'importe quel criminel. C'est en tout cas ce qu'a estimé à l'époque le Tribunal d'application des peines en fonction des circonstances, du comportement de Michelle Martin, de rapports d'experts. Cela est incontestable. Et il convient en tant que citoyen de respecter le choix de la Justice qui n'a ni été trop sévère, ni trop laxiste. Elle a simplement été...juste. Et c'est ce qu'on lui demande.
Alors bien sûr, certains considéreront que la peine qui a été infligée à la base à la femme de Marc Dutroux n'était pas suffisante. Rappelons quand-même que c'est un jury...populaire qui l'a condamnée à 30 ans de réclusion et non à la perpétuité pour laquelle il est plus compliqué d'obtenir par la suite une libération conditionnelle. Le processus judiciaire, en fonction de la condamnation, a donc suivi son cours, sans tenir compte de l'opinion populaire (heureusement d'ailleurs) qui aurait bien vu Michelle Martin écartelée en public sur la place de Neufchâteau aux côtés de son mari. Et c'est bien ainsi que la société entend que sa Justice fonctionne.
Et contrairement à ce que certains voudraient laisser croire, l'appliquer telle qu'elle doit l'être, ce n'est abandonner les victimes ou leurs parents. Ce n'est pas non plus relativiser la gravité des crimes commis, ni même tenter de tourner une page et ou d'oublier une blessure qui restera à jamais ouverte dans la société belge tant l'affaire Dutroux a marqué notre pays.
Appliquer la Justice pour tous de manière identique, sortir de l'émotionnel par ailleurs compréhensible, c'est simplement garantir aux citoyens l'égalité de traitement qui donne confiance en nos institutions. C'est vital. Car sans confiance, il n'y a pas d'Etat. Et sans Etat, c'est la voie du retour à la barbarie et l'inhumanité.
Tous les commentateurs fielleux feraient bien de méditer cela et être fiers de vivre dans un endroit du monde où la haine de l'autre et le bafouement des lois ne sont pas les moteurs.