Le procès d'Abdulhakim Kaya, 49 ans, a repris jeudi après-midi devant la cour d'assises du Hainaut. Après une suspension d'audience, la cour a décidé d'écarter des débats les pièces déposées jeudi matin par l'accusation, à la demande de la défense.
Le président a pu interroger A.Kaya au sujet des faits qui ont eu lieu le 16 mai 2016 à Lodelinsart. L'homme est accusé du meurtre de Salih Kaya, ce qu'il conteste.
Pour la petite histoire: l'accusé a raconté qu'il avait vécu dans son village natal, situé près de la frontière turco-syrienne, jusqu'à l'âge de douze ans, avant de déménager à Istanbul où il travaillait dans le secteur textile. En 1995, il s'est marié et est resté dans l'ancienne Constantinople jusqu'en 2000. Lui, son épouse et ses deux enfants sont arrivés en Belgique où ils ont demandé le statut de réfugiés politiques.
Le quadragénaire prétend qu'il subissait souvent des contrôles dans son pays, car il n'y a pas fait son service militaire. "Je ne pouvais pas afficher mon identité kurde, je n'avais pas le droit de parler en kurde avec mes propres enfants", a déclaré celui qui était membre d'un parti démocratique de gauche turc.
En Belgique, l'accusé travaillait au noir dans le secteur textile. Une fois leur situation régularisée, l'accusé et sa famille ont quitté Bruxelles pour Charleroi, à la fin de l'année 2006. Dans le Hainaut, il a travaillé dans la construction et dans l'alimentation. Il a aussi été aide-cuisinier. Son travail lui a permis d'acheter plusieurs maisons dans le pays noir.
L'accusé a été interrogé sur sa relation avec la victime, Salih Kaya. Les deux hommes se croisaient souvent dans un endroit appelé "l'académie", rassemblant des gens d'origines turque et kurde. Il a déclaré qu'ils n'avaient pas les mêmes opinions mais qu'ils se disputaient rarement.
Le 16 mai 2016, ils se sont vus à "l'académie". Au moment de quitter les lieux, ils se sont retrouvés près de leurs voitures, le SUV BMW de l'accusé et la Seat Ibiza de la victime, stationnées l'une à côté de l'autre. Une dispute a éclaté au sujet de la mort de Mokhtar, le maire non élu du village de la victime en Turquie.
"Je n'ai pas connu ce Mokhtar, mais on disait qu'il avait l'habitude d'embêter les gens. Il a mal pris le fait que j'ai assimilé son attitude à celle de Mokhtar. Le ton est monté et il y a eu des échanges de mots. Je suis monté dans ma voiture pour rentrer chez moi. Avant d'arriver sur l'A54, Salih m'a dépassé, m'a coupé la route et m'a demandé de m'arrêter. Il est descendu de sa voiture en se dirigeant vers moi, tout en m'insultant. Je suis alors descendu de mon véhicule", a déclaré l'accusé.
"Pourquoi ne pas être parti?", lui a demandé le président. L'accusé répond qu'il ne savait pas que Salih avait l'intention de le poignarder. "Il s'est emparé directement de son couteau, qu'il tenait dans sa main droite. Il a essayé de me poignarder et je lui ai donné un coup de poing dans son nez. Ensuite, j'ai essayé de lui tenir les poignets pour qu'il ne réussisse pas à m'atteindre avec son couteau. D'autres personnes sont arrivées et se sont interposées. On m'a fait signe que je pouvais partir. J'ai regagné mon auto et je suis parti, m'assurant de ne pas être suivi. Quand je suis parti, Salih était encore debout, je n'ai pas vu qu'il était blessé. Personne ne m'a rien dit".
Pourtant, la victime a été frappée de deux coups de couteau au thorax. "Dans la lutte, j'ai retourné sa main qui tenait le couteau, pour me défendre. Je ne sais pas si le couteau l'a touché à ce moment-là. En tous cas, ce n'était pas mon intention de le blesser".
L'accusé prétend qu'il voulait rentrer chez lui, mais ce n'est pourtant pas ce qu'il a fait. "J'ai changé d'avis en cours de route, car on m'a appelé pour me dire que j'avais tué Salih. Je partais chez ma sœur à Gilly, craignant qu'on vienne me chercher chez moi dans un esprit de vengeance. J'ai alors changé d'avis et je suis parti chez mon autre sœur, en Allemagne". Il y est resté quelques jours avant de partir en Serbie, pour se rendre en Irak, via le Qatar, où il espérait que personne ne le retrouverait.
Lors de son séjour en Irak, sa voiture est restée en Allemagne, avant de revenir en Belgique. Quant à son téléphone, l'accusé prétend qu'il s'est cassé en Irak. Selon la téléphonie, il n'a plus utilisé ce téléphone, dès le 19 mai en soirée.
Il est revenu en Serbie, le 3 juin 2016, alors qu'il faisait l'objet d'un mandat d'arrêt international. Il a été arrêté et extradé vers la Belgique en août 2016. "Cette affaire a perturbé ma vie familiale, tout le monde vit dans la peur", a déclaré l'accusé qui ignore qui lui a tiré dessus, le 30 mars 2021, dans la région de Charleroi.
Source: Belga