La crise du Coronavirus a au moins un mérite : elle a le don de faire ressortir la vraie personnalité des gens.
Il y en a qui se révèlent d'une solidarité extraordinaire, d'une humanité confondante. D'autres font preuve de courage et d'abnégation, comme tout le personnel soignant. D'autres encore que l'on croyait insubmersibles, s'effondrent totalement d'angoisse et de trouille, comme des lapins pris dans les phares tétanisés par la peur.
Et puis, il y a une catégorie que, personnellement, je connaissais bien. Mais que franchement je ne croyais pas aussi fournie. Je veux parler des délateurs, des balances, des racuse-potes qui, en d'autres temps, auraient probablement vendu père et mère contre une caresse autorisée de l'occupant.
Oui, tous ceux qui, aujourd'hui, regardent derrière leur rideau si leur voisin respecte bien la distance de sécurité avec son gamin ou son ami quand il se balade. Ceux qui sont prêts à remettre la guillotine au goût du jour s'ils croisent deux amis qui se parlent. Ceux qui téléphoneraient bien à la police parce que la boulangère n'avait pas ses gants.
Ceux qui, comme le bourgmestre de Welkenraedt, incite sa population à dénoncer ceux qui organisent des rassemblements pirates dans cette période de confinement.
Bien sûr, il faut conscientiser tout le monde à l'importance de respecter les règles strictes de confinement. Il est même parfois sans doute nécessaire de sanctionner pour montrer l'exemple. Mais le règne de la délation est juste écoeurant, ignoble et intolérable. Il représente ce qu'il y a de plus vil dans la race humaine.
Et ce qui est train de se passer actuellement dans le chef d'une partie de la population belge est juste effrayant. Et laissera des traces indélébiles dans le vivre ensemble qui est pourtant la marque de fabrique de ce pays, singulièrement en Wallonie.
Non, je n'aurais pas voulu en connaître certains en 1942. Et quand la crise sera finie, ceux-là ne devront pas s'étonner qu'on veuille les tondre socialement pour avoir collaboré au délitement de notre démocratie au coeur de la tempête.