Edito: La politique ne devrait jamais être un métier

par
|

En politique, c'est bien connu, les statuts internes des partis sont faits pour être contournés. A ce petit sport national, Ecolo s'en sort pas mal. Jusqu'en 2003 pourtant, la règle interne qui veut qu'on ne peut, chez les Verts, exercer plus de deux mandats consécutifs, était appliquée quasiment à la lettre.

Mais la déroute électorale, il y a 20 ans, a fait prendre conscience aux Ecologistes que les faiseurs de voix étaient nécessaires pour survivre. On appelle ça de la realpolitik. Et depuis cette époque, on voit fleurir les dérogations comme des fraises dans un jardin bio.

On se souvient de Jean-Michel Javaux qui a pu se présenter 3 fois de suite comme bourgmestre de Hamay. A Bruxelles, Evelyne Huytebroeck a cumulé les demandes de dérogations. Tout comme Jean-Marc Nollet dont on a l'impression qu'il a été en politique avant même la création de la première centrale nucléaire.

Dernier exemple en date: Xavier Desgain, qui vient d'obtenir de sa section locale carolo le droit de se représenter en tête de liste aux communales en 2024. Lui qui, en 2004, avait déjà obtenu un sésame pour tripler son mandat de député wallon (ce qu'il ne parvint pas à faire). 

Oh bien sûr, les membres d'Ecolo ne sont pas les seuls à jouer avec les limites de leur parti. C'est d'ailleurs à peu près le cas sur tout l'échiquier politique. Au Parti Socialiste par exemple, le bourgmestre de Farciennes ne respecte pas la règle interne du PS carolo qui veut qu'on ne peut cumuler les fonctions de député fédéral et de mayeur.

Certains, cela dit, comme les Engagés, proposent de limiter le nombre de mandats cumulés à trois obtenus successivement. Récemment, nos confrères et consoeurs de L'Avenir se sont amusés, sur base de cette proposition, à calculer combien de parlementaires francophones seraient "hors-la loi" si cette règle était appliquée et qu'aucune dérogation n'était accordée par les partis: le résultat est sans appel: plus de 21% des députés sont hors des clous. Avec des champions: 8 parlementaires ont enchaîné 7, 8 voire 9 mandats. 38 députés en sont à 4, 5 voire 6 mandats consécutifs. Et ce, parfois, au mépris des règles internes au parti.

On pourra toujours arguer du fait qu'il est de plus en plus compliqué de trouver des candidats motivés, ou qu'il est important en politique d'avoir des gens qui ont de l'expérience.

Mais on doit aussi constater deux choses:

1. La démocratie commence au sein même des partis. Une frange politique qui ne respecte même pas ses propres règles affaiblit sa crédibilité et donne l'impression qu'en leur coeur, existent des passe-droits qui sont aussi susceptibles d'avoir droit de cité à l'extérieur de la structure du parti. Et ce n'est pas bon pour l'image des politiques qui est pour l'instant déjà méchamment écornée.

2. La politique ne devrait pas être métier et encore moins un "win for life". Elle a besoin de sang frais, de renouveau, de réinvention et de nouvelles têtes. La disparition de Silvio Berlusconi en Italie nous le rappelle à l'envi. A force de voir "toujours les mêmes", le citoyen se détourne de la chose publique en estimant, parfois à juste titre, que l'affaire est pliée d'avance. "Alors, à quoi bon voter"?

Pour en revenir à la dérogation de Xavier Desgain, dont les compétences ne sont absolument pas remises en question, on dira que cette double réflexion est peut-être encore plus prégnante que pour les autres partis: Ecolo s'est toujours érigé en chantre de la bonne gouvernance. Et louvoyer en jouant avec les dérogations comme certains le font dans ce parti depuis 20 ans, c'est un peu vendre son âme. Par les temps qui courent, les conséquences en matière d'image peuvent être mortifères et démoniaques comme disait Joëlle Milquet.

Car quand on monte au mât en sifflant, il ne faut pas de trou à son pantalon. Fût-il un short. 

 

Martial DUMONT 


Sur le même sujet

Recommandations

Image
Edito: Fait d'hiver: le Père Noël assassine Saint-Nicolas

Edito: Fait d'hiver: le Père Noël assassine Saint-Nicolas

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais cette année Saint-Nicolas est passé au bleu. À quelques heures de son passage théorique chez les enfants sages (ou pas), on en entend à peine parler. Il a du mal à quitter son trône, son âne est déjà parti voir s'il ne pouvait pas se recycler dans une crèche, et le Père Fouettard est sans doute resté coincé dans une cheminée.
Image

Edito: Magnette ou la realpolitik engagée de gauche

Image

Edito: Les Engagés ressuscités, le miracle de Georges-Louis Bouchez

Image

Edito | Evras: L'obscurantisme de parents qui n'aiment pas leurs enfants

Image

Edito: L' avenir de Charleroi dépend maintenant des Carolos eux-mêmes

Image

Edito: Rén qu'd'i pinser, sintèz come èm'coeûr bat

Image

Edito: Paul Furlan, juste quelqu'un de bien

Image

Edito: Legoland, Merlin le désenchanteur

Image

Mobilité à Charleroi : On agit, puis on réfléchit?

Image

Edito: Parlement wallon, Parlement européen: la politique hors sol mènera à son crash

Image

Edito: Non, Charleroi ce n'est pas eux

Image

Edito: à défaut de sens, la grève nuit au droit de grève

Image

Edito : BSCA, le crash de crédibilité

Image

Edito: pour le climat, agir et conscientiser sans faire culpabiliser

Image

Edito : Un projet qui flatte Lego de Charleroi, mais pas que...